Grazia / grossesse : contradiction puis bidouillage (Acrimed)
C’est Mona Chollet, chef d’édition au Monde diplomatique et auteure du livre Beauté fatale, les nouveaux visages d'une aliénation féminine, qui souligne d’un message sur Twitter la contradiction manifeste entre deux articles publiés par le magazine féminin Grazia : le premier, publié en septembre dans la rubrique beauté, se demande comment garder la ligne pendant sa grossesse quand le deuxième, paru fin novembre dans la rubrique société, dénonce les dangers de l’obsession de la maigreur chez certaines femmes enceintes.
Article daté du 19 septembre 2012 - grazia.fr
Article daté du 30 novembre 2012 - grazia.fr
Un chaud-froid qui inspire Acrimed. Le site critique des médias publie alors un premier article sur ce chevauchement malheureux et rappelle que ce type de presse féminine contribue à "la diffusion de normes et de comportements qui ne se contentent pas d’assigner les femmes à des fonctions sociales mais qui mettent parfois leur vie en danger, quand ce n’est pas celle de leurs futurs enfants […] quitte à flirter avec l’absurde en reconnaissant, sans le vouloir, la dangerosité de certaines [de ces normes]."
Mais Grazia ne s’en tient pas là : devant le mini-tollé né sur le réseau social ce week-end, comme le raconte Acrimed ce matin dans un deuxième article, le magazine "a d’abord supprimé l’article incriminé, avant de le remplacer par un autre [celui de septembre] doté d’un nouveau titre («Pourquoi faut-il surveiller son poids pendant la grossesse?» au lieu de «Comment garder la ligne pendant sa grossesse?»)". Le papier original est visible ici (vive le cache d’Internet).
Une manipulation en douce ? Même pas, et Grazia se justifie sur son site : "depuis le week-end dernier, l’on nous reproche de faire preuve de schizophrénie, de manier la contradiction avec cynisme. […] Il a suffi que ces deux sujets se télescopent sur Grazia.fr pour que d’aucuns y voient l’intrinsèque preuve d’une légèreté réputée féminine. Bref, nous étions prises en faute, notre duplicité était établie, nous nous faisions les prêtresses anti-anorexie en novembre, après avoir donné de pervers conseils de beauté aux femmes enceintes en les enjoignant de garder la ligne en septembre." N’est-ce pas le cas? Non, s’insurge le site qui désigne le titre de l’article comme le fautif : "notre titre était certes maladroit, mais la lecture de l’article permettait aisément de lever l’ambiguïté…"
L'article de septembre repatouillé avec son nouveau titre moins ambigu
Sauf que. Acrimed fait remarquer que l’article de septembre n'a pas seulement changé de titre, il a aussi changé de contenu : "l’article «republié » n’est absolument pas le même qu’en septembre. On s’est ainsi bien gardé de reproduire la totalité de l’article initial, dans lequel on pouvait notamment lire ceci: « Si Heidi Klum et Adriana Lima exhibent une silhouette parfaitement harmonieuse durant leur grossesse et affichent un corps de rêve peu de temps après l’accouchement, pour le commun des mortelles c’est un exercice un peu plus délicat ». Ce passage, et quelques autres, ont « mystérieusement » disparu. Il faut dire qu’ils ne permettaient guère de « lever l’ambiguïté ». Bien au contraire…" Acrimed se demande alors si Grazia a encore un peu de considération à l’égard de ses lectrices.
Une conclusion que rejoint Emma Defaud, journaliste et blogueuse du site mauvaise mère qui ajoute : "Comme pour le reste de la maternité, et toute la vie de maman qui attend chaque femme enceinte, ce serait bien qu'un jour, les magazines cessent de nous donner le mode d'emploi pour devenir parfaites. Car ça nous rend malades."
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