Prot (BNP Paribas) fait son show contre la réforme bancaire
Brève

Prot (BNP Paribas) fait son show contre la réforme bancaire

Qui a dit que les banquiers n’avaient pas d’humour ? Dans son discours "coup de gueule" contre la régulation des banques donné hier aux entretiens annuels de l’AMF (Autorité des marchés financiers), Baudouin Prot, patron de BNP Paribas, a bien fait rire son auditoire. L’humour sera-t-elle l’arme choisie pour faire reculer le gouvernement sur cette réforme bancaire prévue pour la mi-décembre ?

Remonté, Baudouin Prot. Selon la dépêche Reuters, hier, jeudi 15 novembre, le patron de BNP Paribas a fait sensation auprès de l’assistance "médusée par la verve du dirigeant de la première banque de la zone euro". Prot intervenait dans le cadre des entretiens annuels organisés par l’AMF.

Au menu, le rôle respectif des banques et des marchés dans le financement de l’économie. Deux tables rondes étaient prévues : la première sur les shadow banking (banque fantôme, autrement dit la finance parallèle) en présence du député européen Saïd El Khadraoui, rapporteur du sujet traité au sein de la Commission des Affaires économiques et monétaires, et la seconde sur la séparation des activités bancaires, qui comptait parmi les intervenants Erkki Liikanen, gouverneur de la Banque centrale de la Finlande et auteur d’un rapport européen sur ce sujet. Vous n’en avez pas entendu parler ? Lisez alors l’article de l’éconaute qui fait le tour de la question.

Ce n’est pas dans la seconde table ronde que Prot intervenait, mais dans la première. Et son discours portait moins sur le shadow banking que sur les incessantes réglementations qui touchent le secteur bancaire. Son accroche ? L’annonce récente des Etats-Unis de reporter l’application des accords de Bâle III, dernier volet d’une réglementation décidée suite à la crise des subprimes de 2007 sous l’impulsion notamment des G 20 de Toronto et de Séoul en 2010 (nous vous en parlions ici). L’échéance approche à grands pas : les accords doivent être transposés en droit national au début de l’année prochaine, et les banques ont jusqu’en 2019 (ça va) pour les appliquer. Mais les Etats-Unis viennent de prendre des libertés avec ce calendrier, ce qui fait s'étrangler Baudouin Prot : "l'économie américaine, qui a créé la crise à partir des subprimes n'a toujours pas régulé son marché de crédit à l'habitat et vogue vers de nouveaux cieux sans avoir touché en rien à son système réglementaire."

patrons et volailles, une histoire d'amour ?

A partir de là, c’est festival, et le patron de BNP fait le show : "nous, nous sommes là à faire comme dirait le général de Gaulle, Bâle, Bâle, Bâle, et on en prend on en reprend" -une allusion à la phrase du général "on peut sauter sur sa chaise comme un cabri en disant l'Europe, l'Europe, l'Europe, mais ça n'aboutit à rien." Mieux : "il serait temps de se rappeler que la mission première des banques c'est de financer l'économie, il faut remettre le clocher au centre du village, il faut cesser d'accumuler les réglementations en Europe (...) un Bâle ça passe, deux Bâle ça casse." Mais le clou du spectacle est cette référence avicole : "nous sommes en train de finaliser le label PCS [Prime Collateralised Securities] qui sera à la titrisation ce que le poulet de Loué est aux volailles, garanti du producteur au consommateur." Après l’épisode des pigeons, on est en droit de se demander s’il y a un truc entre les patrons et les volailles. L’envie de nous plumer peut-être ?

On s’en doute, Baudouin Prot est soutenu par Frédéric Oudéa, patron de la Société Générale, intervenant dans la seconde table ronde et qui affirme : "c'est en France que, objectivement, il y a eu le moins de problèmes." Tout est dans le objectivement. Pourquoi une telle harangue ? Pour mettre la pression sur le gouvernement. Et ça presse : le comité chargé de la réforme bancaire doit rendre ses conclusions d’ici peu, et Pierre Moscovici, ministre de l’Economie, a prévu de présenter la grande réforme bancaire, promesse du candidat Hollande, lors du Conseil des ministres le 19 décembre. Si les contours de cette réforme sont encore flous, les participants aux entretiens de l’AMF en ont eu hier un avant-goût. En effet, devinez qui clôturait ce raout ? Le ministre en personne.

Vers une réforme bancaire a minima ?

Selon l’AFP (reprise notamment par Le Monde.fr), Moscovici a annoncé une séparation des activités bancaires : les banques devront créer une filiale pour les activités de marché qui ne sont pas dédiées au financement de l’économie. Et, attention, cette filiale "se verra par ailleurs interdire de mener certaines activités spéculatives fortement critiquées, au premier rang desquelles la spéculation sur les dérivés de matière première agricole ou encore le trading à haute fréquence." De quoi faire s’évanouir Prot et Oudéa ? Non, rassurez-vous. Car le ministre l’a assuré : "la réforme préservera le modèle de banque universelle cher à la France." En gros, la banque crée en son sein une filiale.

Quelle différence avec le schéma actuel ? Aucune. Qui nous dit qu’en cas de difficulté la filiale consacrée aux investissements ne viendra pas taper dans la structure qui gère les dépôts des clients ? Rien. Selon Thierry Philipponnat, secrétaire général de Finance Watch et héros de l’article de l’éconaute déjà cité, pour qu’une réforme bancaire soit efficace, la séparation doit être totale. Dans un communiqué de presse publié mercredi, l’ONG prévient : "la façon dont les banques sont structurées aujourd’hui est un handicap pour la stabilité financière et la croissance de l’UE." Et de mettre en garde : "il est absolument essentiel que les décideurs politiques ne diluent pas ces propositions sous la pression du lobby bancaire. Ils doivent introduire une législation capable d’atteindre les objectifs fixés." C’était sans compter l’humour déployé par nos lobbyistes en chef.

Faut-il nationaliser les banques ? Regardez notre émission. Comment fonctionnent les marchés financiers ? Une autre émission à regarder ici.

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