Non aux relectures de citations (journaliste US)
Le journaliste (et prof de journalisme) américain Jeff Jarvis s'insurge, dans une tribune publiée sur le site du Guardian, contre cette pratique, qui est pour lui une manière d'être complice de la com' des politiques. Il réagit à la publication d'un article dans le New York Times, qui explique précisément que les interviews d'Obama dans le journal sont toujours relues et approuvés par les services du président américain avant publication. "Il est assez choquant" pour le New York Times d'annoncer que lui et d'autres médias attendent l'approbation de la Maison blanche pour leurs citations, estime Jarvis. C'est une façon, selon lui, de "nettoyer, resserrer, nuancer, repenser, et supprimer des extraits embarrassants qui pourraient être publiés". Il constate que c'est une procédure habituelle pour le journalisme politique, mais dénonce : "Ce n'est pas la manière dont j'ai appris le journalisme. On m'a enseigné de ne jamais demander l'approbation à mes sources ou mes sujets d'enquêtes sur ce que nous nous apprêtions à publier. Cela aurait été une violation de l'éthique professionnelle." |
"Quand les journalistes donnent à leur source la possibilité de modifier ce qu'elles ont dit, nous devenons complices de leur communication", dénonce-t-il. "Quand nous faisons cela sans révéler cette pratique, nous devenons complices d'un mensonge envers les gens que nous sommes supposés servir : les lecteurs."
quid d'Arrêt sur images ?
En France, la pratique de la relecture est aussi une procédure habituelle. En témoigne cette interview de Nathalie Kosciusko-Morizet au Figaro.fr en 2009, au sujet d'Hadopi, dont la version non-expurgée avait été dévoilée par le site Electron Libre. Ou encore cette interview de Nicolas Sarkozy en 2008, donnée aux lecteurs du Parisien, que nous évoquions ici. A lire l'article, Sarkozy aurait regretté devant les lecteurs du Parisien son emportement au salon de l'Agriculture (le fameux "Casse-toi pauv'con"). En réalité, ces regrets ont été rajoutés à posteriori, lors de la relecture par l'Elysée. Si la pratique de relecture des interviews est courante, et se justifie pour vérifier l'exactitude des propos, supprimer des questions qui sont posées, ou pire, rajouter une réponse, place Sarkozy "hors jeu", dénonçait Daniel Schneidermann dans cette chronique. Le Parisien, en l'acceptant, avait trompé ses lecteurs. Mais il avait tenté de regagner leur confiance en publiant, le lendemain, l'intégralité de l'interview, avant modification de l'Elysée.
Autre exemple, celui de Rue89, qui avait interviewé le Vert Alain Lipietz, et lui faisait dire : "Cécile Duflot est à la botte du PS et est prête à vendre père et mère pour devenir ministre". Mais Rue 89 avait fait relire son interview à Lipietz qui avait validé une version dans laquelle il disait simplement: "eux ils rêvent de devenir ministres et vendraient père et mère pour y arriver”, sans référence nominale à Duflot. Le texte avait donc été modifié par Rue89 après relecture de l'interviewé. Et comment procède-t-on à @si ? Pas de rejet à priori des demandes de relecture (uniquement des citations, jamais de l'article entier), qui peuvent être légitimes. Mais les modifications se font au cas par cas, très rarement. Et si nous estimons qu'une personne interrogée s'autocensure à posteriori, nous pouvons décider de ne pas publier du tout sa citation.
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