la madone au niqab
Brève

la madone au niqab

Dans son édition du dimanche 12 - lundi 13 février, Le Monde nous annonce que "le 55e prix World Press Photo, la récompense la plus prestigieuse du photojournalisme, a distingué une image prise au Yémen par l’Espagnol Samuel Aranda. A Sanaa, une femme serre l’un de ses proches dans ses bras, dans une mosquée qui a été transformée en hôpital. La photo a été prise le 15octobre 2011, lors de manifestations contre le régime du président Ali Abdallah Saleh."

Photo © Samuel Aranda, Le Monde, 12-13 février 2012

Rue89 avait rendu compte de cette information deux jours avant dans un article de Pierre Haski ainsi titré : "La « Pietà islamique » du Yemen primée par le World Press Photo" :

Pour s'en expliquer, le patron de Rue89 écrivait la chose suivante : "Le site du quotidien américain lui-même (le New York Times, pour lequel travaillait Samuel Aranda) souligne en titre que cette photo a des allures de « peinture » et, sur Facebook, le photographe de l'AFP au Proche-Orient, Patrick Baz, la qualifie de « Piétà islamique »". En illustration de ces propos, cette Pietà française :

Pietà de l'église Saint-Etienne d'Ainay-le-Château
Photo Wikipedia

Et Pierre Haski, de rappeler ce précédent que fut la Madone de Bentalha

… "une photo prise par Hocine Zaourar, un photographe algérien de l'Agence France-Presse. (…) Publiée à la une de journaux dans le monde entier, (elle) avait suscité des tonnes de polémiques, notamment sur l'emploi du mot « madone » dans un contexte islamique".

On pourrait en effet s'insurger contre cette appellation qui renvoie à des codes chrétiens alors qu'il s'agit, dans les deux cas, de photographies mettant en scène des femmes musulmanes. On pourrait hurler contre ceux qui ont partout décidé que la photo de Hocine Zaourar nous montrait La Pietà de Benthala, La Pietà d'Alger, La Madone de Benthala ou encore La Madone en enfer.

On pourrait adresser le même reproche à Patrick Baz, photographe de l'AFP au Proche-Orient, et à Pierre Haski, qui parlent tous deux de Pietà islamique à propos de la photo de Samuel Aranda. Le New York Times, quant à lui, évoque une image "qui a une atmosphère de peinture de la Renaissance ("The image, which has the mood of a Renaissance painting").

Pietà de Giovanni Bellini, 1505

S'il est vrai qu'en matière de photographie de presse c'est bien souvent la légende qui fait l'image, on peut cependant supposer qu'à l'instant ou Hocine Zaourar et Samuel Aranda appuyèrent sur le déclencheur de leur appareil photographique leur est venu en tête, plus ou moins consciemment, le souvenir de précédentes photos célèbres, elles aussi inspirées des zeuvres classiques…

Tomoko baignée par sa mère, William Eugene Smith, 1972

… et peut-être aussi le souvenir desdites zeuvres de la Renaissance, peinturlures ou sculptures mettant en scène des madones éplorées qui toutes portent un voile. Leurs deux photos nous montrent des femmes adoptant des attitudes corporelles similaires, dans des drapés exacerbant le sentiment. Le cadrage serré qui isole les personnages du contexte, qui les place dans une certaine intemporalité, renforce un peu plus l'effet :


Un léger détail cependant différencie les deux photos : la madone yéménite de 2011 porte un niqab absent chez la madone algérienne de 1997…

À lire
La Pietà de Benthala, Étude du processus interprétatif d'une photo de presse
par Pierre-Alban Delannoy, Éd. de L'Harmattan, 2005

L'occasion de lire ma chronique intitulée L'homme de Gaza, revenu d'entre les morts.

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