Le procès de Nuremberg revisité par France 3 (Rue89)
Brève

Le procès de Nuremberg revisité par France 3 (Rue89)

Mardi soir, France 3 diffusait le téléfilm J'étais à Nuremberg (visible ici), une reconstitution du procès des dignitaires nazis après la Seconde Guerre mondiale. Après la diffusion, un débat en plateau entre spécialistes de la période revenait sur les erreurs, mais surtout sur les scènes inventées et le parti-pris du film. Rue89 a contacté les scénaristes, pour qu'ils répondent aux critiques, et qu'ils justifient ce "mentir-vrai" qui laissait un étrange parfum d'ambiguïté.

Bel excercice de style télévisé pour France 3 hier soir. Sans doute consciente des inexactitudes de la fiction diffusée en première partie de soirée sur le procès Nuremberg, la chaîne avait ensuite organisé un débat sur le téléfilm, spécialistes à l'appui. Et les invités ne furent pas tendres avec J'étais à Nuremberg. Ils s'en sont pris notamment au "rôle attribué à Auguste Champetier de Ribes, représentant de la France au sein du Tribunal militaire de Nuremberg", rapporte Rue89. En effet, dans plusieurs scènes, on voit ce dernier "tenter de dissuader son adjoint Pierre Bernard (un personnage inventé pour l'occasion) d'évoquer le rôle de Vichy dans la déportation des juifs de France."


Une scène montre notamment Champetier de Ribes coupant la parole au personnage fictif pour qu'il ne dévoile pas la décision des autorités françaises de dénoncer de jeunes juifs pendant l'Occupation. Une scène qui n'a jamais eu lieu, selon Olivier Meyer, le petit-fils de Champetier de Ribes, sur France 3.

Dan Franck, le coscénariste du film explique le choix de cette scène à Rue89 par le fait que ce type de débats existait "dans les coulisses, pas en public". Il reconnaît l'invention, mais se justifie néanmoins : "Peut-être aurait-il fallu nuancer le propos. Le problème de la fiction, c'est qu'on est obligé d'être rapide, de faire de la dramatisation." D'autant que, ajoute-t-il, "Ce qui est vrai, c'est qu'on a mis un temps fou à reconnaître le rôle de la France dans la déportation des juifs. "

L'autre coscénariste, Pauline Baer, souligne que le scénario a été “revu par l'historien Christian Delage” et que l'invention de ce personnage relève d'une "toute petite liberté" qu'ils se sont accordée "pour mieux éclairer les points importants". Aucune volonté en tous cas de charger Champotier de Ribes : "Pour moi, le salaud de l'histoire, ce n'est pas Champotier de Ribes. Je comprends sa position, la volonté de restaurer l'honneur de la France." Gênant tout de même : au contraire de ce qui est suggéré dans le film, lors du procès, l'officiel français a évoqué le rôle joué par l'Etat français dans l'application de la "solution finale" aux juifs de France. "Pauline Baer reconnaît d'ailleurs n'avoir lu aucun document laissant penser que l'homme politique ait réellement fait pression, en coulisse, pour mettre Vichy sous le tapis", indique Rue89.

Autre scène inventée : celle où la traductrice polonaise, personnage fictif, refuse de traduire les propos d'un procureur russe, qui attribue aux Allemands le massacre de Katyn commis par les Russes. Même défense du côté des scénaristes : "A l'époque, il y avait des pressions des Russes pour que ce massacre soit imputé à l'armée allemande, alors que leur responsabilité avait déjà été clairement établie", justifie Dan Franck.

Epineuse question que celle de la mise en scène de l'histoire, d'autant plus que, comme le rappelle Rue89, "tout «fait vrai», dans le film, grâce aux efforts de reconstitution".

Par souci de vraisemblance, peut-on se permettre d'altérer la vérité des faits ? C'est la question que nous nous posions déjà pour un docu-fiction de France 2 sur la Résistance, diffusé en 2008.

(Noëmie Le Goff)

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