Télé tunisienne attaquée : "replacer dans son contexte"
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Télé tunisienne attaquée : "replacer dans son contexte"

Dimanche 9 octobre, le siège de la chaîne privée tunisienne Nessma était attaqué par quelques centaines d'assaillants, à la suite de la diffusion quelques jours plus tôt du film d'animation Persepolis

, dont l'une des séquences pouvait être jugée hostile à leur foi. La presse internationale s'en est fait écho, dénonçant aussitôt la dérive salafiste face à la nécessaire protection des médias et de la liberté d'expression, à l'approche des premières élections libres de la Tunisie. Cet angle médiatique est trop simpliste, assure dans un article détaillé un chercheur spécialiste du monde arabe.

C'est d'une seule voix que la presse française couvrait l'info lundi 10 octobre: Une chaîne privée tunisienne attaquée pour avoir diffusé un film jugé offensant par certains musulmans. Tous les médias titraient sur la percée de l'islamisme, et les dangers qu'il représente pour la liberté de la presse, et d'expression en général.

Peu de doute dans le titre du Parisien.fr picto

Le Figaro parlait lui des "provocations salafistes en Tunisie", alors que La Dépêche titrait: "Des salafistes tentent de brûler une chaîne de télévision" ...

picto Même son de cloche au 20 heures de France 2

Mais l'unanimité de l'interprétation reflète-t-elle vraiment les enjeux de cette attaque ? Pour le chercheur à l’Institut français du Proche-Orient, Yves Gonzalez-Quijano, la réponse est non. Sur son blog, il souligne que l'attaque "mérite d'être replacée dans son contexte". Il rappelle tout d'abord que Nessma n'est pas "la télé", n'en déplaise au Parisien, mais une chaîne privée créée sous Ben Ali, et dont l'un des principaux investisseurs est Mediaset, la société de Silvio Berlusconi.

Proche de l'ancien pouvoir, la chaîne a toujours joué la carte de la provocation : des débats sur la sexualité au très polémique biopic sur Saddam Hussein réalisé par la BBC, en passant par un feuilleton historique très controversé sur les origines du schisme entre musulmans sunnites et chiites, la chaîne n'a cessé de tacler l'Islam politique.

A en croire le blogueur, avec ce lourd passif, ce n'est donc pas un hasard si Nessma a choisi de diffuser Persepolis, qui retrace la vie difficile d'une famille dans l'Iran islamiste, suivi d'un débat sur l'islamisme, à quelques jours des élections : une façon pour la chaîne de mettre à mal Ennahda, "le principal parti «islamiste» tunisien – en tête d’après les sondages". Parti qui a pourtant "fort politiquement condamné cette attaque qualifiée d’«acte isolé»".

Le doublage du film en dialecte tunisien n'était, selon le blogueur, qu'une attaque de plus contre l'Islam politique, "défenseurs acharnés de l’arabe dit «classique»". Ces attaques réitérées conduisent même le blogueur à hasarder, en filigrane, l'hypothèse d'une machination de la chaîne, qui chercherait à décrédibiliser le parti islamiste. Mais au-delà de la condamnation de l'imbroglio politico-médiatique, il rappelle également que la représentation du Prophète dans le film a pu choquer, au-delà des milieux extrémistes, la communauté sunnite dans son ensemble. Nebil Karoui, le président de Nessma TV, a en tout cas présenté ses excuses aujourd'hui aux Tunisiens : "Je m'excuse. Je suis désolé pour tous les gens qui ont été dérangés par cette séquence, qui me heurte moi-même".

(par Noëmie Le Goff)

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