Ben Ali soutenu par la presse, pas par le net
Brève

Ben Ali soutenu par la presse, pas par le net

Le quotidien tunisien Le Temps apporte son soutien, avec lyrisme, au président Ben Ali, alors que les émeutes, qui ont démarré avec l'immolation par le feu d'un jeune tunisien fin décembre, ont déjà fait plusieurs dizaines de morts. Contrairement à l'Algérie, où la presse d'opposition s'exprime, la presse d'opposition tunisienne est rare ou inaccessible. Il faut aller sur le net pour entendre des voix discordantes

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L'éditorial du Temps, signalé par Libération.fr, dénonce "ceux qui croient connaître notre histoire mieux qu’elle ne se connaît elle même, et qu’ils soient de l’intérieur ou de l’extérieur, brandissent et évoquent des hauts faits: le 9 avril 1938; le rugissement dévastateur des Fellagas; la longue lutte pour la libération nationale (...) Mais jamais les Tunisiens, peuple pacifiste mais qui n’a livré des guerres que pour chasser les envahisseurs – et ceci bien avant Carthage - , n’ont voulu de cette violence épidermique, iconoclaste et finalement stupide. Ils n’en veulent pas parce que dans leur écrasante majorité ils savent que cette violence est instrumentalisée. Et ceux qui, tapis dans l’ombre de la lâcheté et de la traîtrise, tirent les ficelles: ne se sentent-ils pas coupables d’avoir poussé des jeunes à s’immoler par le feu, à se faire électrocuter et à aller saccager des biens publics et privés au péril de leur vie?"

Pour savoir d'où parle ce journal, remarquons qu'il soutient l'Appel des mille pour que Ben Ali, au pouvoir depuis 1987, "accepte de se porter candidat à la présidentielle de 2014-2019".

L'éditorial répond aussi aux critiques américaines sur la répression qui a fait des dizaines de morts en Tunisie : "Lorsque le Président de la première puissance du monde n’arrive pas à imposer des couvertures sociales pour 70 millions parmi ses concitoyens et que le taux de chômage se situe autour des 46%, le porte-parole du Département d'Etat serait inspiré de regarder plutôt autour de lui. Quant à nos «élites», qui se disent libérales ou alors de gauche parce qu’on les a amputées de leur main droite, à l’évidence elles sont confondues dans ces brumes narcissiques où l’on en arrive à pavoiser quand nos enfants vont à leur propre mort. Eh bien non: s’ils espèrent une déflagration; c’est qu’ils n’ont rien compris. Les Tunisiens sont trop attachés à leurs acquis pour les suivre dans leurs lubies."

Pour trouver un ton différent, il faut se rendre sur le net, par exemple sur le blog tunisien collectif Nawaat, où aujourd'hui un internaute décrit "une jeunesse vécue sous l’ombre de Ben Ali" :

"Je fais partie de la nouvelle génération qui a vécu en Tunisie sous le règne absolu de Ben Ali."

"Au lycée, et au collège, on a toujours peur de parler politique: “Il y a des rapporteurs partout” qu’on nous dit. Personne n’ose en discuter en public. Tout le monde se méfie. Votre voisin, votre ami, votre épicier, est un rapporteur de Ben Ali, voulez-vous être emmené de force vous ou votre père vers un lieu indéfini, un soir à 4h du mat ?"

"On grandit avec cette peur de s’engager, et on poursuit nos études, nos sorties, nos soirées, sans se soucier de la politique. (...) On ne vit pas, on pense vivre. On a envie de croire que tout va bien puisqu’on fait partie de la classe moyenne, mais on sait que si les cafés sont pleins à craquer en journée, c’est que les chômeurs y discutent foot."

"Les policiers ont peur, si on leur dit qu’on est un proche de Ben Ali, toutes les portes s’ouvrent, les hôtels privés donnent leurs meilleurs chambres, les parkings deviennent gratuits, le code de la route n’existe plus. La Tunisie devient un terrain de jeu virtuel, ils ne risquent rien, ils peuvent tout faire, les lois sont leurs marionettes."

"L’internet est bloqué, les pages censurées sont assimilées à des pages non trouvées, à croire que ces pages n’ont jamais existé. Les écoliers s’échangent les proxy, le mot devient légion : ‘T’as un proxy qui marche ?’."

"La Tunisie, la corruption, les pots de vin, on a simplement envie de partir d’ici, on commence à candidater pour aller étudier en France, au Canada…On veut tout quitter. On est lâche et on l’assume. On leur laisse le pays. On part en France, on oublie un peu la Tunisie, on y revient pour les vacances. La Tunisie ? C’est les plages de Sousse et de Hammamet, les boîtes de nuits, et les restaurants. C’est ça la Tunisie, un club med géant."

Et les journalistes français, sont-ils libres de travailler en Tunisie ? La réponse dans notre enquête du jour.

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