[Avent 2021] Présidentielle 2017 : ce que l'affaire Fillon a dit de la France

Arrêt sur images

La sociologue Monique Pinçon-Charlot sur notre plateau

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Nous avions déjà tourné l'émission de la semaine, et boum, l'affaire Fillon est venue perturber la campagne, qui s'annonçait déjà très singulière avec la montée du candidat Macron. Alors nous avons monté une deuxième émission (avec Monique Pinçon-Charlot et Nicolas Thibault, président de l’association française des collaborateurs parlementaires). Une émission que nous avions déjà sélectionnée pour l'Avent 2020 ! Collector.

3 février 2017. La France vient de découvrir grâce au Canard enchaîné que Penelope Fillon "a été la collaboratrice parlementaire de son mari puis celle de son suppléant – le député Marc Joulaud – et, au total, elle aurait touché près de 830 000 euros… pour un travail dont on ne retrouve aucune trace pour le moment." écrivons-nous ci-dessous. Sur le plateau, la sociologue Monique Pinçon-Charlot ainsi que Nicolas Thibault, président de l’association française des collaborateurs parlementaires (AFCP). Comme tous les grands faits-divers, l’affaire Fillon a le mérite de révéler tout un monde : le petit monde des grands élus de la République d’abord, avec leurs avantages, et l’opacité qui les entoure, mais aussi, en élargissant le champ, leurs rapports avec le monde de la finance et des médias. 

Coulisses de l’émission, par Anne-Sophie Jacques

C’était couru. En tournant notre émission en partenariat avec Tënk lundi après-midi – émission autour du film La chasse au snark de François-Xavier Drouet en ligne depuis mercredi – on se doutait bien qu’on céderait à la tentation d’organiser un second plateau. D'autant que l’actualité nous offrait un sujet en or avec Penelope et François Fillon. Comme le dit Daniel sur le plateau, il faut habiter sur Mars pour avoir échappé à l’affaire révélée par Le Canard enchaîné le 25 janvier. Ceci dit, pour les Martiens qui nous lisent (sûrement un ou deux), rappelons que c'est une fois encore le journal satirique qui a mis sur la rampe de lancement les tourments du candidat Les Républicains à l’élection présidentielle – candidat pour combien de temps ? Mystère.

Un petit résumé s’impose donc : selon les révélations du Canard, Penelope Fillon a été la collaboratrice parlementaire de son mari puis celle de son suppléant – le député Marc Joulaud – et, au total, elle aurait touché près de 830 000 euros… pour un travail dont on ne retrouve aucune trace pour le moment. Chose surprenante : Madame Fillon s’est toujours présentée comme très en retrait de la vie politique de son mari. De même, on apprend que les enfants du couple, Charles et Marie, ont eux aussi bénéficié d’un poste d’attaché parlementaire auprès de leur père alors sénateur et qu’à eux deux ils ont gagné 84 000 euros… Là encore, pour quel boulot ? La fiche de Fillon sur le site nossenateurs.fr nous montre un parlementaire aux abonnés absents.

Conseillère de lecture

Mais ce n’est pas tout : Penelope Fillon aurait également empoché 100 000 euros en tant que conseillère de lecture pour La Revue des deux mondes, propriété de Marc Ladreit de Lacharrière, milliardaire ami de Fillon. Et là encore, le travail effectué paraît bien maigre puisque Penelope Fillon est l’auteure (sous le pseudonyme Pauline Camille) de deux notes seulement… deux notes publiées par Marianne la semaine dernière. A partir de là, les médias ne lâchent plus Fillon. Mediapart et Le Monde se sont intéressés aux affaires de l’ancien premier ministre et ont enquêté sur sa société 2F Conseil dont on ne sait pas grand-chose si ce n’est que, parmi les clients, se trouve la société de René Ricol, l’homme qui fut chargé, sous la présidence de Sarkozy, de distribuer l’argent du Grand emprunt.

"Qui veut gagner 1 million à l’Euro Fillon ? " titre Le Canard cette semaine suivi par une presse déchaînée : l’affaire Fillon est partout. Avec ce clou dans Envoyé spécial diffusé sur France 2 qui exhume une interview vidéo de Penelope Fillon accordée en 2007 au quotidien britannique Sunday Telegraph. L’épouse raconte alors sa vie et assure : "je n'ai jamais été son assistante, ou quoi que ce soit de ce genre-là". Bon courage aux policiers chargés de l’enquête préliminaire ouverte par le parquet financier pour détournement de fonds publics, abus de biens sociaux et recel de ces délits, enquête étendue jeudi aux enfants du couple Fillon.

Parmi les milliers de questions que suscite l’affaire, deux nous chatouillaient. La première – et c’est le mérite de ces révélations – concernait le travail de collaborateur parlementaire que les médias ont semblé redécouvrir cette semaine. Avec une cascade d’interrogations depuis que les enquêteurs ont lâché que Penelope Fillon n’avait ni de badge pour entrer à l’Assemblée ni d’adresse mail professionnelle. Des éléments à charge contre l’épouse de Fillon ? Est-ce plausible d’être rémunéré 7 900 euros bruts par mois – soit la quasi-totalité de l’enveloppe vouée aux attachés de Fillon ? Est-ce normal de ne pas avoir de contrat de travail ?

Pour ne pas nous et vous laisser sans réponse, nous avons eu l’idée d’inviter Nicolas Thibault, président de l’association française des collaborateurs parlementaires (AFCP) et attaché auprès de deux députées Les Républicains : Véronique Louwagie (députée de l’Orne) et Marianne Dubois (députée du Loiret). Thibault s’était fait remarquer en apportant son soutien à madame Fillon dans la salle des Quatre Colonnes au micro de BFMTV (un soutien moqué par Le Canard enchaîné de la semaine). Il travaille de plus à l’Assemblée depuis 15 ans et se sent donc légitime pour parler de sa profession.

"La bourgeoisie travaillant pour elle seule"

L’autre question chatouilleuse concerne le comportement de Fillon. Comment a-t-il pu assurer au JT de TF1 le 26 janvier que son épouse avait occupé le poste de collaboratrice parlementaire en 1997 seulement alors que Le Canard a fini par lâcher un premier contrat daté de 1988 ? Comment l’ancien Premier ministre a-t-il pu évoquer l’embauche de ses enfants "qui étaient avocats" "pour des missions précises", "en raison de leur compétence" alors que ceux-ci faisaient encore leurs études de droit et avaient été embauchés au Sénat ? Comment a-t-il pu assurer lors de son meeting à La Villette n’avoir qu’un seul compte au Crédit Agricole alors qu’il en possède de nombreux autres (dont des comptes d’épargne) ? Comment a-t-il imaginé un seul instant que la horde des journalistes n’allait pas enquêter sur tous ces aspects ?

Soit. Nous aurions pu inviter un ou une psychologue (voire psychiatre). Mais nous avons choisi une sociologue bien connue de nos abonnés : Monique Pinçon-Charlot. On se souvient de son intervention face à l’ancien ministre des Affaires étrangères Hubert Védrine dans notre émission consacrée au cercle Bilderberg dans le cadre de notre série d’été sur le complotisme. Elle avait déjà exposé son regard – à l’aune des travaux menés avec son mari Michel – sur l’oligarchie. Avec cet exemple extrait de leur film Voyage dans les ghettos du gotha de 2008 où l’on voit se tisser les réseaux des aristos et hommes d’affaires au beau milieu des réceptions données dans des châteaux – pardon : des "maisons de famille".

L'invitation de Monique Pinçon-Charlot s’est donc imposée à nous pour évoquer le monde des très riches solidaires. Ou, comme elle dit sur notre plateau en empruntant à Paul Nizan une phrase issue de l’ouvrage Les chiens de garde : "La bourgeoisie travaillant pour elle seule, exploitant pour elle seule, massacrant pour elle seule, il lui est nécessaire de faire croire qu’elle travaille, qu’elle exploite, qu’elle massacre pour le bien final de l’humanité. Elle doit faire croire qu’elle est juste. Et elle-même doit le croire". Pour combien de temps ?

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