[Avent 2021] "Hollande respecte les feux rouges de la République"

Arrêt sur images

Darrigrand, Garrigues, Ribes, et le style "normal"

18 mai 2012. "Normal." Un gouvernement simple et normal, vertueux, et surtout un gouvernement qui se démarque le plus possible du gouvernement précédent. Les premiers signes envoyés par le nouveau pouvoir socialiste ont tous raconté la même chose. Mais cette histoire est-elle vraiment nouvelle, ou bien l'intronisation d'un nouveau pouvoir obéit-il à des rituels qui sont toujours les mêmes ? Est-ce qu'il y a un storytelling de l'installation d'un nouveau président en France ? Sur notre plateau ce 18 mai 2012, pour décrypter les signes de l'investiture de François Hollande, la sémiologue Mariette Darrigrand, l'historien Jean Garrigues, ainsi que Jean Michel Ribes, directeur du théâtre du Rond-Point, metteur en scène, qui fut aussi invité à l'Élysée pour cette cérémonie.

18 mai 2012. Ô surprise des journalistes, le président s'arrête aux feux rouges ! L'image d'un président "normal" passe-t-elle donc aussi par là ? Pour Mariette Darrigrand, il est évident que cette "normalitude" s'inscrit aussi dans le code de la route, qui est un "mode d'écriture populaire". Jean-Michel Ribes, lui, est plutôt moqueur face à cette interrogation sur les feux rouges, qui n'a d'autre intérêt selon lui que de permettre aux journalistes de "gloser". Jean Garrigues distingue un double sens de la "normalité" : le "retour à un président citoyen, le respect des règles", mais aussi "le respect des normes présidentielles, revenir à ce qui n'est plus une hyper présidence".

Lors de cette investiture du 15 mai, l'absence des enfants de François Hollande a été présentée de manière positive par les journalistes, comme un signe de sobriété. En 2007, les mêmes journalistes "vendaient" pourtant l'arrivée de la famille recomposée de Nicolas Sarkozy comme un signe de modernité. La normalité ne serait-elle pas un concept relatif ? Garrigues voit dans cette mise en scène de la famille une référence à la monarchie républicaine. Darrigrand souligne que Hollande a "emprunté" à Sarkozy le fait de faire sa campagne en étant accompagné par une "très belle femme". "Hollande prend ce qu'il y a à prendre chez Sarkozy", dit-elle. Et de tracer un parallèle avec… les couples Alexandra Lamy et Jean Dujardin, ou Jamel Debbouze et Melissa Theurieau, "qui se valorisent mutuellement". (acte 1)

Pourquoi tant de théâtralisation pour un président "normal" ? C'est "indispensable" selon Ribes : les gens auraient été déçus si la normalité avait été poussée jusqu'à "se faire investir dans un café entre deux bières". "Hollande respecte les feux rouges de la République". Et à l'Élysée, durant la cérémonie, quelle était l'ambiance ? Ribes avait l'impression d'être comme au Palais de justice, quand deux avocat s'écharpent puis vont déjeuner ensemble : c'était "l'arrêt du combat", le climat était "apaisé" entre adversaires politiques. Quid du discours dans lequel Hollande ne rend pas hommage à Sarkozy, et de Hollande qui n'attend pas le départ de son prédécesseur sur le perron de l'Élysée ? C'est une preuve que Hollande est un "escrimeur habile", analyse Ribes, toujours dans sa posture de soutien appuyé au nouvel élu.

Élément de normalité, peut-être aussi, Cécile Duflot est arrivée pour la passation de pouvoir en jean. Darrigrand rappelle que l'habillement pour les femmes en politique est compliqué, un "oxymore permanent" : "sexy mais pas trop, etc.". Elle voit dans le jean un "signe de rébellion" de Duflot, qui n'a pas eu le ministère qu'elle voulait. Garrigues y voit une liberté par rapport à la majesté républicaine. Au Danemark ou en Suède, ça ne choquerait pas, estime-t-il, alors qu'en France, cela peut paraître comme une "transgression". (acte 2)

Passons aux bains de foule, élément récurrent de la journée d'investiture de Hollande, mais aussi de Nicolas Sarkozy. À cinq ans et un jour d'écart, les deux présidents se sont par exemple soumis à ce rituel au même endroit, sur les Champs-Élysées près de l'Arc de triomphe. Celui de Hollande est "corrézien", "à la Chirac", car il s'attarde auprès des badauds, alors que Nicolas Sarkozy l'envisage presque comme un sprint, volant de main en main. Mais le commentaire des journalistes est le même: "formidable !" "On nous vend tout et son contraire", s'amuse Daniel. "C'est un rituel très ancien, les rois de France pratiquaient le toucher des écrouelles : le roi te touche, Dieu te guérit, rappelle l'historien. C'est une déclinaison de cette pratique, adoptée par De Gaulle dès son arrivée au pouvoir." De Gaulle, mais aussi… Pétain, friand de ce "rituel monarchique, entre le souverain et son peuple".

Face à la foule, Hollande a aussi et surtout essuyé la pluie. Volontairement ? "Ça aurait été grotesque d'avoir son parapluie en remontant les Champs-Élysées debout dans sa voiture", tranche Ribes. Darrigrand y voit plutôt le "désir de montrer le double corps du roi", humain mais aussi transmis par Dieu, donc insensible au froid. "C'est la manière dont il prouve qu'il peut affronter les éléments", convient le metteur en scène. Le saviez-vous ? Un autre président, Pompidou, écartait lui aussi les parapluies (sur des images repérées par l'historien Nicolas Mariot)… tout comme Louis-Philippe. (acte 3)

Hollande a emprunté à Pompidou, mais surtout, bien sûr, à François Mitterrand. "C'est une référence acceptable pour vous ?", demande Daniel à Ribes. "En politique, il n'y a pas de saints", répond Ribes. Garrigues, lui, voit une rupture dans les hommages rendus par Hollande à Jules Ferry et Marie Curie, hommages purement… normaux. "Normalité au sens de retour aux fondamentaux de la République." Est-ce si différent de l'hommage rendu par Sarkozy à Clemenceau et De Gaulle ? interroge Laure. Non, reconnaît l'historien.

Et Ribes, va-t-il réussir à éviter le piège de devenir "l'artiste officiel" ? Ne manquez pas le jeu du chat et de la souris entre les deux hommes sur le plateau. Il se poursuivra entrer Ribes et Maja, qui est allée @ux sources de Denis Sieffert, directeur de l'hebdomadaire Politis. Le magazine n'a pas soutenu Hollande, mais Mélenchon, ce qui ne l'a pas empêché d'avoir du nez sur le nom du futur premier ministre… L'occasion idéale pour le directeur du Rond-Point de saluer "la fraîcheur du gouvernement". "Et Fabius ?", rigole Maja. "Il faut toujours un vieux truc pour mettre du goût", s'en tire "l'artiste". (acte 4)

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