Trump : journalistes dérapants
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Trump : journalistes dérapants

Au départ, une rumeur, une de plus : Trump installerait sa fille Ivanka dans le bureau de la Maison-Blanche traditionnellement réservé à la "première dame". La rumeur (parfaitement plausible, au regard des premiers signes de la nouvelle présidence) a été démentie depuis. Elle a tout de même fait une victime : Julia Ioffe, journaliste à Politico. Réagissant à la rumeur, Ioffe a tweeté : "Soit Trump baise sa fille, soit il esquive les lois sur le népotisme. Qu'est-ce qui est pire ?" Virée, nous apprend Libé. Dans un mail interne, la direction de Politico donne ses raisons. Ses reporters "représentent la publication à n’importe quelle heure et sur n’importe quelle plateforme. Les opinions gratuites n’ont pas leur place dans notre travail et aucune valeur pour nos lecteurs."

Dans le même temps, la médiatrice du New York Times, Liz Spayd, est convoquée au tribunal de Fox News. Il s'agit de lui faire désavouer les tweets anti-Trump de plusieurs journalistes du New York Times. Ils sont moins orduriers que celui de Ioffe, mais qu'importe. Sommée de le faire, Spayd désavoue les twittos maison, coupables d'avoir "franchi la ligne". Avant de revenir en arrière, sous la pression de la bruyante armée des journalistes-twittos, tous médias confondus, qui souhaitent continuer à twitter impunément.

Depuis l'élection de Trump, ce ne sont pas seulement les journalistes américains, mais tous les journalistes des démocraties pluralistes qui ne savent plus où ils habitent. Qu'ils se contentent de leurs enquêtes et de leurs articles, s'efforçant dans les médias mainstream de respecter toutes les apparences de la neutralité, et ils sont accusés de se réfugier sur un surplomb vermoulu, de cacher derrière leur doigt leurs biais, leurs opinions, leurs présupposés. Qu'ils renoncent à leur impunité, et descendent dans la mêlée brutale des réseaux sociaux, pour faire le coup de poing en 140 signes, et les voici assimilés aux furieuses multitudes numériques, à portée de tous les coups.

Comment tant de journalistes se sont soumis à Twitter, ce piège en 140 signes, en entrant dans la volière des cris inarticulés, eux dont le métier consiste à révéler, à relater, à analyser, à expliquer sans relâche la complexité et les injustices du monde, au besoin avec des phrases longues, composées de mots compliqués, et -pourquoi pas ?- de notes de bas de page, restera un relatif mystère de la révolution numérique. Relatif, certes : car impossible de ne pas voir que les journalistes dérapants sont soumis aux injonctions contradictoires (et implicites) de leurs directions, trop heureuses de les voir "faire le buzz", et espérant par ce buzz limiter l'effondrement de leurs audiences.

Le système d'énonciation traditionnel que symbolise le New York Times, et qui a si bien servi la mondialisation heureuse et raisonnable, n'en finit pas d'exploser. Il n'en finit pas de tomber en morceaux. Ici et là, des morceaux commencent à se rassembler, nouant avec de petites communautés de nouveaux micro-pactes de confiance, formant l'esquisse de l'ébauche du puzzle d'une recomposition possible. Rien ne garantit que cela fonctionnera. En tout état de cause, ce sera long. Et les étendards de la profession n'ont pas fini de faseyer.

Julia Ioffe (capture écran)

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