Canard enchaîné : "Fillon est une catastrophe pour les caricaturistes"

Arrêt sur images

Juppé, Elkabbach, Takieddine, Cahuzac : les vérités de l'hebdo centenaire

L'émission
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Cent ans, et toujours un bon coup de bec ! Un siècle après sa création, Le Canard enchaîné impose toujours son modèle de scoops, de petits cancans et de joyeuses caricatures. Et le tout dans une sainte méfiance à l’égard des plateaux télé et des réseaux sociaux. Combien de temps ce modèle à part pourra-t-il survivre ? Question posée à nos deux invités : Louis-Marie Horeau, rédacteur en chef, et Anne-Sophie Mercier, journaliste du Canard enchaîné.

Résumé de l’émission par Anne-Sophie Jacques

[Acte1]

Le Canard méfiant à l’égard des émissions télé ? Ce n’est pas une légende. Le discret palmipède n’aime pas vraiment s’étendre sur ses secrets de longévité. Ou encore sur l’origine de sa mare aux canards, la page deux du journal consacrée aux indiscrétions politiques. Pourtant, à l’occasion de la sortie d’un ouvrage sur les 100 ans du Canard enchaîné – deux kilos quatre s’il vous plaît – les plumes du volatile sont sorties du bois pour avancer jusqu’au flamboyant plateau du Grand Journal sur Canal+ ou de celui de C à vous sur France 5. Et jusqu’au nôtre in fine.

Avec ce premier scoop : nos invités Louis-Marie Horeau (rédacteur en chef) et Anne-Sophie Mercier (journaliste) regardent l’émission Une ambition intime où Karine Le Marchand – ex-présentatrice de L’amour est dans le pré diffusé également sur M6 – invite hommes et femmes politiques à s’épancher. Larmes incluses. Horeau s’amuse de constater que François Fillon assure ne pas vouloir parler de sa vie privée et "rentrer dans la peopolisation de la vie politique". Tout comme Emmanuel Macron d’ailleurs qui se trouve de nouveau en Une de Paris Match cette semaine en compagnie de son épouse. De son côté, Mercier adore l’émission : "tout le monde a toutes les ficelles pour décoder au premier et au second degré ces émissions, et quand on fait ça c’est très marrant" dit-elle. Un exercice en effet réalisé par des collégiens pour @si récemment.

Entre François Fillon et Alain Juppé, Le Canard a-t-il un chouchou ? Non, mais Horeau assure être attentif aux résultats de la primaire de la droite qui se joue ce dimanche. En effet, dit-il, "les politiques vont plus ou moins bien au teint du Canard". Sarkozy ou De Gaulle convenaient très bien. Idem pour Edouard Balladur qui fut un très bon client avec "son contentement de soi visible en permanence". En revanche, "Fillon est une catastrophe pour les caricaturistes. Cabu, disparu, le dessinait à merveille" regrette Horeau. Au niveau des casseroles judiciaires, ce n’est pas un bon client non plus… "mais on peut avoir des surprises" s’amuse Mercier. Et du côté des potentielles premières dames ? Pénélope Fillon est "un monument de langue de bois" selon la journaliste.

Que penser du traitement mélodramatique de Le Marchand sur l’affaire des emplois fictifs qui valut à Juppé une condamnation à une inéligibilité d’un an ? Juppé a été un fusible et l’épisode a dû être dur, reconnaît Horeau. En revanche, l’histoire de son appartement et de celui de son fils Laurent obtenus via la mairie de Paris pour un loyer modéré (affaire révélée en 1995 par Le Canard) est autrement plus scandaleuse, mais elle a été oubliée, regrette Horeau. "Le Canard ne veut pas systématiquement la mort du pécheur" assure Mercier qui ne s’offusque pas de voir Juppé de retour sur la scène politique vingt ans après. Avec ce grand mystère néanmoins : Le Canard a été en pointe sur les affaires Balkany et le maire de Levallois-Perret a toujours été réélu.

[Acte 2]

Didier Porte, grand fan du Canard, loue sa maquette qui n’a quasiment pas changé en un siècle (ce qui n’est pas tout à fait vrai) et sa réticence à s’ouvrir au monde numérique. A quoi bon d’ailleurs, puisque les journalistes photographient les pages du Canard et les diffusent sur Twitter… ce qui assure leur communication, estime notre chroniqueur. La télévision est-elle une alliée ou une ennemie du Canard enchaîné ? On se remémore l’épisode des diamants offerts par le président africain Bokassa à Valéry Giscard d’Estaing. Un scandale que Claude Sérillon, à l’époque auteur de la revue de presse sur Antenne 2, a eu du mal à imposer à son chef… Jean-Pierre Elkabbach. Aujourd’hui, estime Horeau, c’est différent : "on ne peut plus ignorer une info qui tourne sur les réseaux sociaux. Les plateaux télé classiques sont obligés de suivre, sinon ils ne sont plus dans le coup."

Autre grande question : qui alimente la page deux du Canard ? Les politiques et les journalistes – ceux du Canard mais aussi des confrères qui ne peuvent utiliser l’info dans leur propre titre. Seuls les journalistes sont payés. Les politiques, jamais ! assure Horeau. Ces infos et citations sont-elles fiables ? Pour Roselyne Bachelot, interrogée dans Face au pouvoir, les 100 ans du Canard enchaîné – documentaire diffusé le 26 octobre sur Paris Première et réalisé par Michaël Moreau – les infos sont sûres à 80%. Parfois il y a des imprécisions, reconnait Horeau mais toutes les infos sont vérifiées à l’aide de plusieurs sources. Sont-ils plus indulgents avec les amis du Canard comme leur ancien avocat Roland Dumas ou leurs potentiels informateurs comme Hollande ? "Aider Le Canard n’est pas une garantie d’immunité" lâche Horeau.

[Acte 3]

Quel rapport Le Canard entretient-il avec ses concurrents et notamment Mediapart ? Pourquoi ne pas avoir écrit une ligne ni même publié un dessin suite aux révélations de Ziad Takieddine ? En effet, l’homme d’affaires franco-libanais affirme, dans une vidéo diffusée sur Mediapart, avoir remis à trois reprises des valises d’argent liquide à Sarkozy, alors ministre de l’Intérieur, et à son directeur de cabinet Claude Guéant. "Takieddine raconte n’importe quoi" assure Horeau. Et quand bien même l’homme d’affaires aurait raconté cette nouvelle version au Canard, il ne l’aurait pas publié. "Tout ça n’est pas très crédible" poursuit Horeau.

Ce qui nous conduit à l’affaire Cahuzac révélée là encore par Mediapart en décembre 2012 et qui n’avait pas convaincu, dans un premier temps, Le Canard. Dans son premier article sur l’affaire, qui fut l'objet d'une émission ici, le palmipède attendait les preuves – l’enregistrement de Cahuzac évoquant son compte en Suisse n’étant pas assez probant selon eux. Horeau n’en démord pas : "on avait des doutes car l’ensemble des éléments ne faisait pas une preuve indiscutable". Et il pense avoir eu raison d’avoir douté à ce moment-là de l’affaire.

[Acte 4]

Pourquoi Le Canard n’est-il toujours pas présent sur Internet ? Les deux journalistes disent ne pas encore avoir trouvé le modèle économique pour ne pas abîmer l’hebdomadaire papier. Lequel se porte bien : le trésor de guerre du journal s’élève à 120 millions d'euros. Près de 400 000 exemplaires sont vendus chaque semaine. Une arrivée sur le web peut mettre en péril, selon eux, le papier. Ils veillent également à toute la chaîne de distribution : si Le Canard n’est plus diffusé, ce sont aussi les distributeurs de Presstalisqui en pâtiraient.

Pour finir, comment ont-ils accueilli la parution du livre des journalistes du Monde Fabrice Lhomme et Gérard Davet (reçus sur notre plateau le mois dernier) ? "Avec stupéfaction" assure Horeau. "Et un certain agacement car Hollande se regarde présider et on se demande s’il préside". Pas d’agacement en revanche vis-à-vis de Davet et Lhomme – même s’ils ont été baptisés par le palmipède les "Dupont et Dupond du hollandisme". Et même si Horeau les avait malmenés en 2014 lors de l’affaire Jouyet en affirmant qu’ils avaient grillé leur source (comme nous le racontions ici). "La protection des sources c’est le respect d’un pacte, d’une parole donnée" estime Horeau. Et quel est le pacte au Canard ? Par défaut, les sources parlent off – leurs paroles ne peuvent être répétées. Ce sont les journalistes qui demandent ensuite si les informations peuvent être reprises.

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