s'agissant des déclarations politiques, des citations précises entre guillemets. Vous me direz que c'est le métier de base de tout journaliste. Certes. Mais celui de l'AFP, fournisseuse de matériau brut destiné à être usiné par toute la presse, encore davantage que les autres. En cas de doute sur une date, un lieu, une citation, l'AFP est censée faire foi.

Et c'est justement au cours d'un déjeuner au siège de l'AFP, rassemblant autour de la table cinq ? dix ? quinze ? journalistes de l'AFP, que Sarkozy a prononcé une phrase sur laquelle s'opposent deux interprétations...opposées. A-t-il traité ses électeurs de ploucs, ou ses commensaux de bobos ? Sauf à imaginer qu'une créature buissonoïde, avec enregistreur, se soit glissée au déjeuner "off" de l'AFP, on ne le saura jamais. Quel dommage qu'il n'y ait pas eu de dépêche AFP ! Toute l'histoire est ici.

Si l'affaire des ploucs de Sarkozy a connu autant de succès, c'est qu'elle s'insère dans une série de gaffes meurtrières plus ou moins authentiques, après les sans-dents de Hollande, ou le "je n'aime pas les flics, je déteste les juges" de Juppé. Mon confrère de Libé, Alain Auffray, a bien raison de sonner les cloches à tous les confrères qui en font l'aliment de base du débat pré-présidentiel. Pendant que brûle la planète, on nous distrait avec des sous-polémiques, un débat politique low cost.

J'entends déjà certains, dans le fond (pas Auffray, qui s'en garde bien) accuser "les rézosociaux". A tort. Le ploucgate est né dans L'Obs (l'ex-employeur d'Aude Lancelin). Le sansdentsgate est une production artisanale de Valérie Trierweiler, ex-compagne répudiée certes, mais aussi journaliste professionnelle, avec l'aide d'un talentueux éditeur professionnel, Les Arènes. La citation de Juppé de 2011 est extraite d'un livre de Anna Cabana, cheffe du service politique du JDD-Lagardère, chroniqueuse régulière de BFMTV (et par ailleurs, selon Wikipedia, épouse d'un ancien directeur de cabinet de Juppé, ce qui facilite sans doute le recueil de confidences), qui reparait opportunément en édition augmentée. Oui, les twittos relaient. Ils relaient frénétiquement. Mais qui sont leurs dealers, sinon l'industrie des médias et de l'édition ?