"La question des ovnis est une patate chaude"

Arrêt sur images

La vraie histoire des complots, épisode 2

L'émission
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Mais quelle étrange malédiction pèse donc sur le débat sur la vie extraterrestre ? D'un camp à l'autre, de ceux qui voudraient y croire à ceux qui ne croient qu'à ce qu'ils voient, volent les anathèmes et les tentatives de ridiculisation. D'un côté comme de l'autre, le doute est-il autorisé dans ce débat sur la vie extraterrestre ? Quel est le statut, dans un débat comme celui-ci, d'une hypothèse ? Pour répondre à ces questions, deux invités : Pierre Lagrange, sociologue, anthropologue, auteur de nombreux livres sur la question (dont La rumeur Roswell en 1996, éditions La Découverte) et Christophe Michel, alias Hygiène mentale sur Youtube, qui s'est intéressé sur sa chaîne à l'origine des soucoupes volantes.

Le résumé de l'émission, par Robin Andraca :

[Acte 1] Ce qui est bien avec les extraterrestres, c'est qu'on peut dater précisément leur arrivée sur Terre. Ou plutôt leur... prétendue arrivée. Le 24 juin 1947, Kenneth Arnold, aviateur américain aperçoit dans le ciel neuf objets volants à la forme un peu bizarre. Il en parle à deux journalistes d'un quotidien local, et décrit l'un de ces objets comme "une soucoupe qui aurait ricoché sur l'eau".

Mauvaise idée : les journalistes titrent sur les soucoupes volantes et le mot entre ainsi dans le langage commun, désignant ainsi tout ce qui se trame d'un peu "bizarre" dans le ciel. Aux sources du mystère extraterrestre, il y a donc l'adaptation médiatique d'un témoignage, qui a transformé la description d'une trajectoire en description de forme. Rien que ça. "Avant, quand les gens voyaient quelque chose dans le ciel, ils y transposaient leurs croyances religieuses. Après le titre du journal local, «soucoupes» est devenu le terme pour désigner tout ce qu'on voit de bizarre dans le ciel", rappelle Michel.

Second épisode quelques jours plus tard avec la célèbre affaire de Roswell, point de départ de la plupart des théories complotistes autour de ce sujet. Une visite sur Terre par une civilisation extraterrestre avancée ? Pas vraiment. "Juste un projet ultra-secret destiné à espionner les Russes avec des ballons Moguls", rappelle Lagrange. Alors que la guerre froide vient de commencer, on comprend mieux pourquoi le gouvernement américain a préféré, dans un premier temps, communiquer sur Roswell que sur un possible incident diplomatique planétaire.

En 1947, l'Amérique doute-t-elle déjà ? Pas du tout. "L'affaire de Roswell commence en 1981 avec le bouquin de Charles Berlitz et William L. Moore, The Roswell Incident", affirme Lagrange. "Et c'est en 1994 que l'affaire revient sur le devant de la scène parce que le représentant du Nouveau Mexique entend parler de ces rumeurs et demande au Congrès de demander des comptes à l'US Air Force. L'armée américaine sort alors un énorme bottin de 1000 pages avec deux rapports sur ce qui s'est passé à l'époque." Et Lagrange d'insister : "Dans les années 40, les OVNIS, pour 99% des gens, c'était un sujet de plaisanterie. On a réécrit ensuite l'histoire, y compris l'histoire extraterrestre."

[Acte 2] Une fois de plus, l'histoire a été réécrite. Et ce n'est pas terminé : en 1995, dans l'émission L'Odyssée de l'étrange, animée par Jacques Pradel, TF1 diffusait les images (bidons) d'une soit-disant autopsie de Roswell (qui était en fait un vulgaire canular, imaginé par un producteur anglais et un sculpteur originaire de Manchester). La même année, la série télévisée The X-Files, dans laquelle deux agents du FBI enquêtent sur des phénomènes paranormaux, commence à faire parler d'elle en France. Comment expliquer une telle explosion du phénomène, près de cinquante ans après l'affaire Roswell ? Lagrange croit savoir qu'Internet a quelque chose à voir là-dedans : "Au début des années 90, on a X-Files, on a les débuts d'internet et on a comme ça plusieurs médias qui vont pouvoir diffuser des histoires beaucoup plus largement qu'avant. Avant, les groupes d'ufologues, c'était des réseaux qui publiaient des petits bulletins, et il fallait faire partie de ces réseaux." "C'est fascinant de voir comment un fait divers, pas vraiment prégnant dans la population en 1940, peut finir cinquante ans plus tard, par devenir un phénomène médiatique énorme", ajoute Michel.

Culture populaire et culture scientifique peuvent-elles être mises sur le même plan, alors que les deux s'interrogent à leur manière sur la présence de la vie extraterrestre sur Terre ? Oui pour Lagrange, pour qui l'absence de preuves n'est pas rédhibitoire. Qu'en pense Michel, membre de l'observatoire zététique, qui propose une approche sceptique des phénomènes paranormaux ? "Tant qu'on n'a pas de soucoupe sous la main, ou de vrai alien à décortiquer, on ne peut pas y croire", répond-il en substance. "Moi, quand je fais la somme des preuves matérielles [de la présence extraterrestre sur Terre], je tombe à zéro."

L'hypothèse "censurée" du GEIPAN



[Acte 3] Peut-on formuler des hypothèses lorsque les preuves manquent ou n'existent pas ? La question s'est posée au GEIPAN, le Groupe d'Etudes et d'Information sur les Phénomènes Aérospatiaux Non Identifiés, créé en 2005. Que fait le GEIPAN ? Il collecte, analyse et archive des témoignages de gens qui ont cru voir des OVNIS. Sur son site, on peut ainsi lire des centaines de témoignages de gens qui ont cru apercevoir des soucoupes volantes dans le ciel français.

Mais le GEIPAN ne publie pas tout non plus... C’est le cas par exemple d’un rapport en 2010, rédigé par le comité de pilotage, présidé à l’époque par Yves Sillard, ancien directeur du CNES, qui a travaillé au ministère de la Défense dans les années 1990 et fut l’un des pères de la fusée Ariane. Un rapport de "situation" de 13 pages qui n’a jamais été publié à la demande du président du CNES de l’époque, Yannick D’Escatha. Que pouvait-on lire dans ce fameux rapport, publié en novembre 2014 dans la revue Nexus ? Une hypothèse, celle de “véhicules en provenance de civilisations très avancées” et “existant sur des exoplanètes hors du système solaire.'

[Acte 4] Toutes les hypotèses sont-elles valables ? Méritent-elles d'être formulées ? La question se pose encore, six ans plus tard, sur notre plateau. "Je suis pour que toutes les opinions soient exprimées. Mais les hypothèses dont on n'a aucune preuve n'ont pas lieu d'être dans un papier", estime le zététicien.

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