Face à Zemmour, enfin des anti-Zemmour !
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Face à Zemmour, enfin des anti-Zemmour !

Nassira El Moaddem écrit aux huiles de BFMTV. Elle n'est pas contente.

La journaliste indépendante en veut à la chaîne continue, sur laquelle, dimanche soir, Eric Zemmour a prononcé, entre autres, l'affirmation suivante : "Dans les écoles françaises de la Seine Saint-Denis, il n'y a plus un seul enfant juif". Elle pense que l'animatrice du débat, Appoline de Malherbe, aurait dû intervenir, par exemple pour demander : "De quelles sources disposez-vous pour affirmer cela ? Comment pouvez-vous affirmer cela dans la mesure où les statistiques ethniques et religieuses sont interdites en France ? Avez-vous parlé à l’ensemble des familles des élèves des écoles de Seine-Saint-Denis ?"

Innocente Nassira El Moaddem. On ne pose pas ces questions à Eric Zemmour. On ne les lui a jamais posées. Si on invite Zemmour, c'est pour qu'il fasse du Zemmour, c'est à dire de l'audience en balançant son paquet de zemmoureries à la tête de Cambadélis. De mémoire de télespectateur, on ne se souvient que d'un seul contradicteur, demandant à Zemmour : "mais d'où vous sortez ça, Eric Zemour ?" C'était en 2010, et Zemmour venait d'affirmer que "nombre de familles musulmanes interdisent à leurs enfants de parler le français, la langue du diable". "D'où vous sortez ça, Eric Zemmour ?" avait simplement demandé Frédéric Bonnaud. Je vous laisse savourer la réponse.

C'est parce qu'il fonctionne ainsi, que Zemmour est devenu hégémonique, et c'est parce qu'il est devenu hégémonique dans l'espace médiatico-politique, que les chaînes continuent à lui dérouler le tapis rouge, en dépit de ses condamnations pénales.

L'espace est donc occupé. Tout l'espace ? Eh bien non. On aurait pu le croire. Jusqu'à très peu. En fait, jusqu'à la semaine dernière. Jusqu'à cet inimaginable mouvement en ligne, contre l'avant-projet de loi sur le travail. Jusqu'à cette mobilisation multiforme (méga-pétition, appel à la grève sur Facebook, youtubeurs), et qui vient de contraindre le gouvernement à reculer, en repoussant du 9 au 24 (pour l'instant) mars la discussion du projet en Conseil des ministres. Ce mouvement, Mediapart le raconte très bien. Savoir si c'est ce mouvement seul, ou la volonté de rattraper la CFDT par le fond du pantalon, qui a fait reculer Valls et Hollande, est une autre question. Mais enfin, pour le moins, il y a contribué.

Mais ce n'est pas l'essentiel. L'essentiel, c'est que ce mouvement, bricolé en quelques heures, comme le racontent sur notre plateau les youtubeurs Usul et Osons causer, a révélé l'existence souterraine de ce qu'il faut bien appeler un mouvement social latent, jusqu'alors largement passé sous le radar d'Appoline de Malherbe et de ses pareils. Un mouvement d'exploités, de harcelés, de malmenés, de secoués, de virés et de re-virés, un mouvement qui s'est développé dans les recoins obscurs, dans les coupe-gorge du Code du travail, ces coupe-gorge dont la réforme Valls-Hollande voudrait (voulait ?) encore accroître l'emprise.

Et, découverte des découvertes, ce mouvement a trouvé des voix pour l'exprimer. Usul et Osons causer, par exemple, mais aussi d'autres, tant d'autres que -je l'avoue- je découvre depuis la semaine dernière. Il faudrait les recommander tous, et on va s'y employer ici dans les jours qui viennent, de Klaire fait grr à Dany Caligula. Dans l'immédiat, connaissez-vous ce philosophe hilarant qui se baptise le Stagirite (si vous cherchez pourquoi, c'est ici) ? C'est ma découverte de la nuit. De toute urgence, allez-le voir, en commençant par sa série de vidéos qui démontent pièce par pièce cette langue de bois dont les nuages de copeaux embrument toutes les antennes audiovisuelles, du matin au soir, du "dialogue social" aux "réformes nécessaires".

Elle est là, l'alternative à Zemmour. Pas la peine d'aller la chercher ailleurs. Je dis bien "alternative", et pas "contradiction". Car ce sont deux systèmes de langage qui ne se rencontreront jamais, qui ne peuvent pas se rencontrer. Là où Zemmour a choisi la baston et les coups bas, format obligatoire des télés traditionnelles, ils expérimentent, sur Youtube, une forme nouvelle, qui se cherche, entre cours magistral et causerie entre potes. Ils découvrent, démontent, déconstruisent, argumentent, s'amusent. Et, ce qui les sauve de la pure posture du cours magistral, dialoguent avec leurs commentateurs.

Se confronter au discours dominant, pour l'instant, à ce grondement informe de la vallée qu'ils observent de leurs nids d'aigles, ne les intéresse pas. Vous auriez vu les réactions des deux youtubeurs, à la fin de notre émission, quand la communicante numérique de Juppé, Eve Zuckermann, a émis -prudemment- l'hypothèse d'une rencontre possible de youtubeurs avec son patron : on aurait dit qu'on leur proposait de grimper sur la lune en baskets. Bref, voilà enfin le jeu de quilles chamboulé. Je ne sais pas s'il y a un "grand remplacement", mais j'ai plaisir à nommer ce que nous avons sous les yeux : un grand décrochage. Vertigineux.

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