La presse et la passoire
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chronique

La presse et la passoire

Que les confrères se rassurent, l'état d'urgence permanent que projette Hollande

, cet "état de siège light" que dessine la petite tambouille constitutionnelle projetée, n'a pas pour but de "contrôler la presse". Ouf ! On a évité le pire. La presse restera libre. C'est librement, qu'elle pourra continuer d'interviewer les rescapés du Bataclan comme s'ils étaient Jean Moulin ressuscité. C'est librement, qu'elle pourra se projeter jour après jour le film de la guerre (guerre ou pas guerre ? Comment nommer ce que nous voyons. Vaste question. J'ai moi-même parlé de guerre au premier matin. J'ai peut-être eu tort. Pas de parler de guerre, mais d'omettre de rappeler qu'elle est commencée depuis longtemps. La controverse est ici).

Je suis injuste avec la presse. D'abord, disons-le avec le CSA, dans le feu des événements, elle n'a pas "dérapé", au sens étroit. A la différence de janvier dernier, elle n'a pas dévoilé aux terroristes du Bataclan les cachettes des otages. Bravo, et merci, confrères. Ensuite, au troisième jour, elle commence à réaliser que le renseignement français sur le terrorisme est une véritable passoire, et à le dire. Timidement : pour l'instant, on reprend une dépêche AFP. On invite notre confrère de RFI David Thomson, le meilleur (le seul ?) connaisseur français du djihadisme (écoutez-le ici sur les stratégies de communication des djihadistes), et on ouvre des yeux ronds devant sa description quasi-enjouée de la passoire. La passoire, Mesdames messieurs. La passoire comme vous ne l'avez jamais vue. Comme on ne vous en parle jamais. Non pas que la presse soit bâillonnée. C'est librement, qu'elle a soigneusement évité d'investir dans la formation de dix, cent David Thomson, cette lacune permettant ainsi à Cazeneuve, à chaque attentat, de dévider imperturbablement le catalogue du colmatage sans fin de la passoire.

C'est tout aussi librement, que la presse adhère au nouveau discours de Hollande. Je m'explique. Ce qui frappe, dans le discours présidentiel devant le Congrès de Versailles (peut-être son premier "vrai" discours, soit dit en passant, avec de gros morceaux de vraies décisions engageantes dedans), c'est la manière dont il est désormais totalement dominé, gouverné par l'urgence. La question djihadiste est traitée comme une question policière (déchéances de nationalité des bi-nationaux même nés en France, parquage éventuel des fichés S), diplomatico-militaire (intégration souhaitée de la Russie dans la coalition, résignation à Assad) et économique (bazardage du pacte de stabilité, au bénéfice du "pacte de sécurité"). Sont éjectés du champ de vision, les facteurs qui étaient encore mentionnés dans les discours officiels après Charlie : les aspects religieux (responsabilité ou non de l'islam, stages de déradicalisation), social (les "quartiers", et leur apartheid), scolaire (apprentissage de la laïcité dans les écoles). Est éjectée, donc, toute réflexion sur le temps long. Le djihadisme relève d'une gestion heure par heure, la limite extrême de temps étant la semaine. A de très rares exception près, l'appareil médiatique adhère, non pas aux détails du plan Hollande, mais au changement de focale qui le gouverne. C'est peut-être un tournant réaliste. C'est peut-être, en effet, justifié par l'urgence. Encore faut-il, pour en discuter, appeler ce tournant par son nom.

Lucky Luke : le XXème de cavalerie, extrait resurgi sur les réseaux sociaux ces dernières heures

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