Delon : une petite soldate au front
Le matinaute
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Delon : une petite soldate au front

Branle-bas de combat dans les rédactions, mercredi:

Alain Delon est hospitalisé. Alerte rouge immédiate. Toutes permissions suspendues. Rappel des réservistes. Révision des nécros, démontage, graissage, remontage, pas de discussion. Delon est une icône nationale, au même titre que Belmondo, Johnny ou Depardieu. De celles dont le moindre incident de santé doit faire l'objet d'un "urgent" de l'AFP, comme un ancien président de la République. Comment accède-t-on à ce statut chichement accordé ? demanderont quelques innocents non-journalistes. Sachez, chers innocents, que la liste n'est inscrite nulle part, mais que chaque journaliste français la reçoit en dotation orale, avec sa première carte de presse. Il existe aussi un codicille secret des chartes de déontologie: "un journaliste digne de ce nom ne saurait rester indifférent à une hospitalisation d'Alain Delon".


Bref, voici Vanessa Descouraux, de France Inter, envoyée "en planque", avec les collègues, devant l'hôpital américain de Neuilly. Mais depuis la glorieuse époque où le matinaute chenu qui vous écrit "planquait" lui-même devant toutes sortes de bâtiments incongrus, est apparu un précieux allié du journaliste en planque stupide: twitter. Tout au long de la journée, Descouraux "twitte" donc sa planque. "Devant l'hôpital américain de Neuilly. Il ne se passe rien". Quelques minutes plus tard: "ah si, Françoise Hardy vient de sortir d'un taxi". "Ils doivent faire aussi chirurgie esthétique. Une bouche géante sur le corps d'une femme vient de sortir". "Cherche caniche à louer pour planque à Neuilly"'. Etc etc. Et celui-ci, qui les résume tous: "Alain Delon ne se fait pas hospitaliser. C'est l'hôpital qui se fait alaindeloniser". Elle envoie aussi...

...des photos palpitantes de l'action picto

Puis, cette hospitalisation s'avérant être une fausse alerte, le twit-reportage se conclut, en fin d'après-midi, par le salvateur: "Je viens de recevoir le sms «tu peux rentrer». je vous aime tous (enfin non, pas tous)."

La journaliste n'a pas totalement perdu sa journée: sur son coin de trottoir, elle a progressé dans la lecture d'un ouvrage sur aqmi, qu'elle avait emporté. A cet indice ténu, on devine qu'elle rêve d'autres reportages, plus lointains et moins paisibles (Descouraux est par ailleurs une des baroudeuses de France Inter, elle a notamment couvert les révolutions arabes). Cette série de tweets est moins anecdotique qu'il n'y parait. Que nous dit-elle ? Que tout ce qui nous désespère, de l'extérieur du système (l'absurde hiérarchie de l'information, qui fait passer l'hospitalisation de Delon avant le Mali, la contamination de tout le système par l'abrutissoir de l'info continue, etc) tout ceci désespère également, à l'intérieur des forteresses, les petits soldats de l'info (ou disons, certains d'entre eux). Et qu'ils ont désormais un moyen de le faire savoir à l'extérieur, en temps réel, avec un tempo aussi efficace que celui du système lui-même. Autrement dit, twitter est aussi un antidote à BFM. Une nouvelle catégorie de critique des médias est en train de naître. Bienvenue.

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