Frégates de Taiwan, l'art de ne pas dire
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Frégates de Taiwan, l'art de ne pas dire

Il y a, certains matins, des silences assourdissants.

La France vient d'être condamnée par un tribunal arbitral à payer plusieurs centaines de millions de dollars à Taiwan, pour avoir exigé des commissions illégales lors de la vente de frégates en 1991. Je dis "la France", même si c'est l'entreprise Thalès (ex Thomson-CSF) qui est formellement condamnée, parce que c'est le Trésor public qui paiera (si quelqu'un paie un jour). On ne sait si ces commissions ont donné lieu à des rétro-commissions, bénéficiant à des hommes politiques français, mais la Justice taiwannaise continue de les chercher. C'est un événement important.

La nouvelle, tombée mardi, n'a pas donné lieu à un seul commentaire d'un seul responsable politique, de droite ou de gauche. C'est le premier silence. Ce silence lui-même n'a éveillé aucune curiosité dans la presse. Tiens, ces responsables politiques d'habitude si prompts à la réaction sur le plus petit fait-divers, sur le moindre micro-événement. Une nouvelle charge de plusieurs centaines de millions, en pleine crise, pour le contribuable, et pas un mot ? Bizarre, vraiment.

Bien des journalistes incurieux sur sur le sujet répondront : mais que pourrions-nous dire, alors que les politiques se taisent ? Mais si ! Il y a bien des manières, de rendre assourdissant un silence. Exemple, cette remarquable dépêche de l'agence Reuters qui, hier, commençait par ces mots : "PARIS (Reuters) - L'Elysée, le gouvernement de droite et son opposition de gauche ont gardé le silence mardi sur la pénalité record frappant la France pour corruption lors d'une vente de frégates à Taiwan en 1991.

L'affaire concerne la vente par Thomson-CSF de six frégates Lafayette pour 16,4 milliards de francs (2,5 milliards d'euros). Les bénéficiaires de commissions frauduleuses versées en Chine et à Taiwan, dont une partie aurait été reversée en France, sont demeurés inconnus du fait du secret-défense.

Cette pénalité qui pourrait atteindre un milliard d'euros, la plus forte imposée au pays en pareil cas, sera principalement à la charge des contribuables, puisque la Direction des constructions navales (DCN), publique, était à l'époque majoritaire à 73% aux côtés de Thomson devenu Thales. Et Reuters de poursuivre : "En visite mardi en Bretagne aux chantiers de la DCNS à Lorient (Morbihan), Nicolas Sarkozy n'a pas fait mention de l'affaire. Lors de ce déplacement, Luc Vigneron, patron de Thales, s'est refusé aussi à tout commentaire.

Patrick Boissier, patron de DCNS (entité juridique ayant succédé à DCN) a déclaré aux journalistes: "Je n'ai pas de commentaires à faire, ça concerne Thomson CSF, cela remonte à vingt ans et DCNS n'est absolument pas concernée".

Le sujet n'a pas été abordé lors de la séance des questions au gouvernement à l'Assemblée nationale. Il n'y a eu aucun communiqué officiel". Dans l'art de dire l'art de ne pas dire, on ne saurait mieux dire.

Mise à jour, 11 heures 30 : seule réaction politique, nous fait remarquer Amaury Guibert (France 2), celles de Guy Teissier, président de la commission de la défense de l'Assemblée Nationale, et de Nicolas Dupont-Aignan, qui ont accepté de lui répondre, pour le 20 Heures de mardi soir.

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