Poutine, Macron et l'Ukraine : diplomatie de l'exhibition
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Poutine, Macron et l'Ukraine : diplomatie de l'exhibition

"Je ne sais pas où ton juriste a appris le droit. Moi je regarde juste les textes, et j'essaie de les appliquer". Quatre jours avant le début de la guerre d'Ukraine, Macron chambre Poutine au téléphone au sujet des Républiques autoproclamées du Donbass. "Je ne sais pas quel juriste pourra te dire que dans un pays souverain (l'Ukraine, ndr), les textes de loi sont proposés par des groupes séparatistes, et pas par les autorités démocratiquement élues". Les conseillères diplomatiques de l'Élysée savourent la punchline du patron. La scène est filmée depuis leur bureau à elles. On n'y voit ni Macron ni Poutine, mais un simple téléphone, et une tasse de thé. Du combiné s'échappe aussi la réplique de Poutine : "Ce n'est pas un gouvernement démocratiquement élu. Ils ont accédé au pouvoir par un coup d'État sanguinaire..."

Cette conversation, aujourd'hui teaser de son enquête sur France 5 ou Franceinfo, Guy Lagache n'a pas eu l'autorisation de la filmer dans le bureau du chef de l'État. Mais elle est filmée à hauteur de bureau de diplomates, en contreplongée. Ce qui ne retire rien, au contraire, à l'efficacité de cette petite séance d'exhibitionnisme diplomatique. À l'origine, l'ancien présentateur de Capital souhaitait filmer, au plus près de Macron, les six mois de présidence française de l'UE, afin de "rendre l'Europe à la fois pédagogique et haletante", raconte-t-il sur le plateau de France 5. Mais le 24 février à l'aube, son film (diffusé ce 30 juin, à 20 h 50, sur France 2) a changé de sujet, pour être finalement rebaptisé "Un président, l'Europe et la guerre". L'Histoire, cette incontournable coproductrice.

L'Élysée n'a pas précisé au Monde si Poutine a été prévenu qu'il était enregistré, mais le Russe devait bien s'en douter, tant la pratique est maintenant répandue dans les médias occidentaux. Quand, à la fin de la conversation, Poutine révèle à Macron qu'il se trouve dans sa salle de sport (après avoir tout de même renoncé à un match de hockey sur glace), sans doute même ne verra-t-il rien à redire à la confirmation de ce cynisme, composante de son image internationale.

Sueur de Poutine contre barbe naissante de Macron :  au plus fort de la crise, l'Élysée avait diffusé des photos du président, dûment concentré et préoccupé, de sa portraitiste officielle, Soazig de la Moissonnière. Voici donc aujourd'hui le dialogue du transpirant et du pas rasé. Sous l'apparence de la "caméra-indiscrète", ces films sont sculptés à la gloire de leurs modèles. Les moments les plus critiques en sont discrètement éliminés, comme naguère les victimes des purges dans les photos staliniennes. "Un mois durant, Emmanuel Macron s’absente du film, pour cause de campagne présidentielle et de choix du réalisateur, regrette Le Monde, qui a vu le documentaire en avant-première. On rate, du coup, les critiques des dirigeants polonais ou de Draghi sur la «téléphonite» du président français".  On rate aussi, poursuit Le Monde, "la bouderie – la fâcherie, même – de Zelensky après le fameux « il ne faut pas humilier la Russie », répété à plusieurs reprises". "Bouderies", "fâcheries" : à diplomatie intime, affects intimes. Comme si, à frôler de si près les frôlements ces grands fauves, plus rien n'avait davantage d'importance que les froissements des âmes. 


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