Attaque d'Annecy : et Ciotti annula sa conférence de presse
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Attaque d'Annecy : et Ciotti annula sa conférence de presse

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Ça commence normal. Tragiquement normal. Une attaque au couteau au lac d'Annecy. Un réfugié syrien, avec turban. Deux adultes et quatre enfants en urgence absolue. Très jeunes, si jeunes. Deux ans, trois ans, des petits bouts. Tout le dispositif se met en ordre de bataille. En plein psychodrame des retraites, les député·es font minute de silence. Aurore Bergé décoche à l'opposition un coup vicieux sous la ceinture. Les chaînes d'info réquisitionnent les experts habituels. Les témoins sont traqués au téléphone. Un voisin. Un glacier. Urgence absolue. Ces deux mots affolants. Zemmour a déjà dégainé le communiqué réglementaire. Ciotti programme une conférence de presse. Borne et Darmanin sont attendus sur place. Tout le reste disparait de l'horizon. Les retraites. New York sous les fumées orange des incendies canadiens. Plus rien d'autre que ce plan fixe du lac d'Annecy, et l'horizon des Alpes. C'est beau. Atrocement beau. Stay tuned.

Et insensiblement, ça ne cadre plus. Le présumé, apprend-on, était assis depuis quelques jours sur un banc du parc. Il observait les enfants. Le turban n'était qu'un linge qu'il rafraichissait au lac. Et soudain ce coup de tonnerre dans un ciel serein : il se dit chrétien. Il portait sur lui une croix et un livre de prières chrétien. Là ça ne va plus du tout. Chrétien ? Oui. Syrien, mais chrétien. Un de ces chrétiens d'Orient que soutiennent traditionnellement LR et le RN. Perplexités sur le plateau. Comme si les bavards ne voulaient pas voir les éléments qui s'empilent là, sur la droite de l'écran. "Son profil surprend", résume sobrement Olivier Truchot sur BFMTV. Et l'histoire déraille. Le présumé a obtenu le statut de réfugié en Suède, il a une femme suédoise, et une fille de trois ans, l'âge des quatre petites victimes. BFMTV joint au téléphone, en Suède, sa femme éberluée. "Do you know him as a violent guy ?" "- Violent ? How do you mean ?" C'est un bon père. A good father, yes.

Les toutes premières images sont tout aussi décalées. Le présumé trotte dans le parc. Toujours aussi beau, le parc. Derrière lui, un homme le poursuit, se protégeant d'un sac à dos. On apprendra plus tard que le héros se prénomme Henri, a 24 ans, et qu'il est "pèlerin des plus belles cathédrales françaises". Six secondes, en boucle, comme en apesanteur, au ralenti, détachées des événements. Impossible qu'il n'y en ait pas d'autres. Il y en a d'autres. Atroces, répète BFMTV. Vraiment atroces. D'ailleurs on ne les montrera pas, pour rien au monde. Tout ce qu'on peut montrer c'est un plan fixe du présumé de dos, net, si net. Pour le reste, "BFMTV a vu la vidéo de l'attaque", répète un bandeau qui nargue l'univers de toute la puissance de sa vertu.

Trois clics suffisent à les trouver, ces images, sur une boucle Telegram d'extrême droite. Le présumé entre et ressort de l'aire de jeux, avec son toboggan, son tourniquet. Les cris des mères, ou des nounous, qui gardent les enfants. Atroces aussi ces cris, ces appels au secours en horreur absolue. Et en bordure de l'aire de jeux, la vie ordinaire, une joggeuse en rouge passe sans s'arrêter, qu'a-t-elle vu, qu'a-t-elle entendu ?

De la vidéo maudite (qui l'a prise ? Qui l'a postée sur la boucle facho ?), les chaînes ne dévoilent d'abord que des extraits, timidement, comme on pénètre dans l'eau glacée, centimètre par centimètre (la diffusion est passible de cinq ans de prison). Sans les cris. Puis, les cris, en assourdi. Puis les cris en pleine puissance. Puis la quasi intégralité, évidemment, toute vertu oubliée. Qui en doutait ? Dans une autre vidéo, un ex-footballeur, qui faisait aussi son jogging, vitupère les policiers pour ne pas avoir descendu le fugitif.

Aucun élément terroriste, répète la procureure d'Annecy, aux côtés de Borne et Darmanin, qui ont fini par arriver. Aucun élément terroriste, même si l'AFP confirme à seize heures trente que le présumé a crié, en anglais, "Au nom de Jésus Christ". "Et s'il avait crié Allah Akhbar ?", se déchaînent les réseaux sociaux. Mais non. Jésus, ça ne compte pas, pour le terrorisme.

Dans sa courte déclaration, la procureure glisse aussi que l'un des deux adultes en urgence absolue a été atteint par une balle policière, lors de l'intervention. Une seconde information a été ouverte sur cet élément-là. D'abord, les plateaux feignent de n'avoir pas entendu, comme pour Jésus Christ. On préfère souligner que la police est arrivée en quatre minutes. Quatre minutes ! Et puis, comme pour le reste, il faut bien faire entrer dans l'histoire cet élément qui ne cadre pas avec le scénario idéal. Avec mille précautions, les syndicalistes policiers sont interrogés sur la balle perdue. "Ils ne sont pas des super héros, ils n'ont pas fait le stage Marvel", maugrée le journaliste "police-justice" Dominique Rizet. Maudite histoire, décidément. "Je ne suis pas sûr qu'il soit chrétien", doute une chroniqueuse de Pascal Praud (CNews). Zemmour : "Il se déclare chrétien comme d'autres se déclarent homosexuels, car ils ont compris que ce sont les catégories qu'on accueille le plus favorablement." "Une polémique déplacée ?", se demande désormais le bandeau de BFMTV, avec un point d'interrogation. Eric Ciotti a annulé sa conférence de presse.

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