Migrants : pitié pour le plan yoyo !
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Migrants : pitié pour le plan yoyo !

Penser contre soi-même : c'est à quoi nous obligent -devraient nous obliger-

les nouvelles de la nuit du sommet UE-Turquie sur les migrants. Si ce sommet n'a rien conclu, et s'il renvoie, une fois de plus, à un nouveau sommet la semaine prochaine, sa proposition est d'une nouveauté, d'une originalité spectaculaires : renvoyer en Turquie une partie des migrants arrivés illégalement en Grèce pour, par la suite, en ré-admettre d'autres (ou les mêmes), par des filières "sûres et légales", dans la proportion d'un ré-admis pour un renvoyé. La proposition s'appliquerait aussi à des "bons" migrants, justifiant de la provenance d'indiscutables zones de guerre, avec de vraies bombes, et pas seulement aux "mauvais" migrants économiques. Proposition que certains confrères résument ainsi : "un Syrien pour un Syrien" -sur le mode "pétrole contre nourriture".

On ne sait pas si c'est une bonne idée. On ne sait même pas vraiment de qui elle émane, de la Turquie ou de l'Allemagne. Présentée dans la nuit par Le Monde comme une idée turque, elle était présentée la veille, par le même journal, comme une idée allemande. Les détails n'en ont pas encore été négociés. C'est peut-être une idée impraticable. C'est une idée d'apparence odieuse, qui joue au yoyo avec les corps, avec les espoirs, d'êtres humains, troqués contre d'autres, ou contre des milliards d'euros, trimbalés par une bureaucratie emballée. Mais une chose est sûre, une seule toute petite chose : c'est une idée nouvelle, surgie de manière inattendue dans un contexte où l'on n'attendait qu'enlisement et querelles.

Cette idée est pourtant tuée dans l'oeuf par la plupart des correspondants de presse à l'UE, qui n'y voient qu'une palinodie supplémentaire, une soumission de plus à l'odieux chantage turc (en échange de leur contribution, les Turcs réclament un nombre conséquent de milliards d'euros, et autres menus avantages, comme l'obtention plus facile de visas européens pour leurs ressortissants), une victoire supplémentaire des "durs" d'Europe de l'Est, etc. A lire, par exemple, cette synthèse du Monde de dépêches AFP et Reuters, il n'est question que de "discussions laborieuses", de "tractations", d'Ankara qui "fait monter les enchères", de "querelle", bref, de tout le vocabulaire des sommets de l'UE depuis la crise grecque (et avant).

Il faut comprendre ces correspondants. A commencer par les plus europhiles, les plus "quatremerisés" d'entre eux, ils semblent désormais rongés par un europessimisme que nourrit, outre la perspective du "Brexit", le spectacle pathétique des fermetures désordonnées de frontières, dans les dernières semaines, des pays de "la route des Balkans". Comme dans un cauchemar éveillé, ils vivent depuis des mois dans le paysage barbelé de l'effondrement de Schengen. Europe forteresse, Europe bunker, combat solitaire de Merkel contre les égoïsmes nationaux : toutes ces représentations (partiellement vraies, évidemment) ont emprisonné leur image de la situation. La perception, forcément négative, de tout ce qui provient de la Turquie d'Erdogan, n'arrange rien : il n'est qu'à voir comment une bonne partie de l'Europe politico-médiatique a pris le parti de l'étrange imam-potentat Gülen, dans l'interminable bras de fer qui l'oppose au gouvernement turc.

Pourtant, sur le papier, le plan turco-allemand (appelons-le ainsi) se défend. Sauver des vies en dissuadant les traversées illégales, casser le "business plan" des passeurs, soulager la Grèce en transférant, de fait les "hot spots" en Turquie : tous ces arguments avancés en sa faveur méritent examen. D'ailleurs, la présentation peut en être plus positive, comme dans cette dépêche de l'AFP. Penser contre soi-même : ce n'est pas parce que Cameron ou Juncker saluent ce plan, ce n'est pas parce qu'il a été conçu dans l'impasse, qu'il est farci d'ambiguïtés, de contradictions et d'arrière-pensées, qu'il est forcément mauvais. Et puis, quelle alternative ?

(Accord UE-Turquie, photos de...novembre 2015, pouvant éventuellement resservir)

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