2004 : Cherif Kouachi, rappeur en galère
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2004 : Cherif Kouachi, rappeur en galère

Cherif Kouachi fait son cinéma. Il a tourné un court-métrage associatif en 2004. En voici les rushes.

Avec les différentes prises. On entend "Moteur". Et il joue, sale gosse souriant, presque solaire, "tenace et positif", dit le commentaire. Il joue un rappeur en galère. Avant de faire l'acteur amateur, Cherif avait rêvé d'une grande carrière de footballeur : argent, gloire, filles, des rêves si ordinaires. On connaissait déjà ces images. On en avait même vu des extraits muets dans un "Pièces à conviction" de 2005, lui-même multi-rediffusé après le 7 janvier. On ne les avait jamais vues en longueur. Il faut dire que Chérif Kouachi n'était pas, alors, le personnage principal. C'était un second rôle, dans des enquêtes sur le "prédicateur des rues", Farid Benyettou, après le démantèlement de la "filière des Buttes-Chaumont". En 2005, il était en prison, après un départ raté en Irak. "Il s'est aperçu qu'il s'est fait rouler dans la farine, et embringuer dans quelque chose", disait avec conviction son éducateur.

C'est très bien, que France 3 ait intercalé cette longue rétrospective du parcours des Kouachi et de Coulibaly, Les visages de la terreur, au milieu des autocélébrations médiatiques du pouvoir. Cette tentative de comprendre ses ennemis, sans doute est-ce un des facteurs qui distinguent "le civilisé du barbare", comme dit le préfet qui fut chargé d'organiser l'inhumation à Reims de Saïd Kouachi, dans un saisissant portrait du Monde, publié hier. C'est un film sans haine ni caricature, qui s'efforce d'expliquer sans justifier. Expliquer ? Au total, on a beau chercher à repérer, dans le parcours, le point de bascule, ce fameux point de bascule, on a beau le chercher désespérément, certain que là se trouve la clé, il se refuse toujours. L'enfance fracassée, le suicide de la mère des Kouachi, femme de ménage, les années d'adolescence dans un foyer du Limousin, la rencontre avec la "filière du 19e arrondissement", sont évidemment autant de petits cailloux. Comme la rencontre, en prison, avec le braqueur récidiviste Coulibaly. Mais ils n'éclairent pas cet intervalle de onze ans, entre le joyeux comédien amateur et le tueur de la rue Nicolas Appert.

Par définition, les années de sommeil des "dormants" résistent à toute mise en images. Comment une caméra documentaire pourrait-elle capter la longue attente, les doutes éventuels, le mûrissement des décisions, la constitution de filières de commandement, les mensonges à l'entourage le plus proche, à la femme, aux enfants ? Il y faut la plume extra-lucide de l'écrivain. Justement, les éditions Viviane Hamy re-publient un roman, Métamorphoses, de François Vallejo, qui raconte la conversion, et la radicalisation, d'un jeune Français ordinaire. Initialement paru en 2012, le roman avait été écrit l'année précédente, avant même l'affaire Merah. Et on le dévore en ce début 2016, comme s'il avait été écrit après le Bataclan. Soit les romanciers sont des extra-lucides, soit le journalisme est désespérément myope. Soit les deux.

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