Au Louvre, un combat de l'ombre
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chronique

Au Louvre, un combat de l'ombre

C'est une rebellion sans précédent.

Depuis quelques semaines, la fine fleur des conservateurs du Louvre défile, l'un derrière l'autre, dans les colonnes de nos collègues de La Tribune de l'art, pour dire -anonymement- tout le mal qu'ils pensent du projet de leur président, Jean-Luc Martinez. Ce projet ? Transférer à Liévin une partie des réserves du musée, 250 000 oeuvres actuellement stockées dans les sous-sols, ou éparpillées dans une soixantaine d'autres sites. Transfert organisé dans le but de mettre les oeuvres à l'abri d'une crue éventuelle de la Seine.

Un transfert à Liévin (commune du Pas-de-Calais limitrophe de Lens, qui abrite déjà une annexe du musée) obligerait les conservateurs à de nombreux allers et retours, notamment lorsqu'ils accueillent leurs homologues étrangers pour leur faire visiter telle ou telle statue ou tapisserie entreposée dans les réserves. Sans doute la fronde des conservateurs, en ce sens, n'est-elle pas très différente de celles des personnels de n'importe quelle entreprise ou administration, invités à quitter les beaux quartiers d'un centre-ville pour se décentraliser dans une lointaine province ou pire encore, une banlieue. Mais on peut aussi estimer, comme Michel Guerrin, éditorialiste culturel au Monde, que "ce conflit est typique du blues des conservateurs. Avoir des réserves à côté de soi renvoie à une conception traditionnelle du métier: étudier, conserver, restaurer, enrichir la collection. Jean-Luc Martinez jure qu’il est favorable à cette conception, et qu’elle n’est pas incompatible avec le projet Liévin. Mais d’autres missions du conservateur sont en vogue: exposer et valoriser les œuvres les plus «bankables». Derrière le projet louable de les protéger les réserves des crues, ne se cache-t-il pas le dessein inavoué de concentrer tous les efforts de mise en valeur et de promotion sur des événements médiatisables, fondés sur ces fameuses oeuvres "bankable" ?

Patrimoine silencieux, relégué, sacrifié dans l'ombre, alors que les projecteurs sont braqués sur une vitrine "bankable", attrayante pour les mécènes : ça ne vous rappelle rien ? Mais si : l'inégalité de médiatisation entre espèces animales menacées, dont je vous parlais avant-hier. Un mignon petit panda sera toujours plus "bankable" qu'une grenouille du Sri Lanka ou une salamandre de Turquie. Animal ou culturel, le patrimoine, par son immensité même, est difficilement médiatisable. De vieilles statues, de vieilles toiles, des vieilles pierres, ça ne crée pas l'événement tous les deux mois, ce n'est pas invitable au Grand journal, et c'est même difficilement twittable. Raison pour laquelle sans doute seul un petit site indépendant mène ce combat de l'ombre.

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