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Petite question de maths du lundi matin : combien de taxis l'ex-présidente de l'INA

, Agnès Saal, aurait-elle pu prendre, avec ce qu'a coûté au contribuable l'aller et retour Poitiers-Berlin de Manuel Valls, pour assister à un match de foot ? Six mois, un an, deux ans de taxis ? L'heure de vol du Falcon 7X étant évaluée environ à 5 000 euros selon Europe 1, l'addition du match se monte environ à 20 000 euros (comptons une heure de vol de Poitiers à Berlin, et ajoutons le coût des vols Villacoublay-Paris et retour, que Valls aurait pu éviter en empruntant le TGV, qui relie excellement la capitale pictocharentaise à Paris). 20 000 euros, le montant ne vous rappelle rien ? Mais si, c'est exactement la moité du montant des dépenses de taxis pour lesquelles Saal a dû démissionner de son poste, et se trouve aujourd'hui poursuivie. Aux dernières nouvelles, le parquet de Paris n'a pas ouvert d'information contre Manuel Valls.

On objectera qu'aucun texte n'interdisait formellement à Valls d'aller applaudir son cher club catalan aux frais des contribuables français. Mais si (bis). Il y a bien un texte. On peut le consulter facilement en ligne sur un obscur site Internet, celui de l'Elysée. C'est une charte élaborée par le mouvement anticorruption Anticor*, et signée (c'est indiqué en dessous) par les membres de l'actuel gouvernement. Laquelle charte, donc, stipule (article 5) que "les moyens mis à la disposition des ministres sont réservés à l’accomplissement de leur mission. Seules les dépenses directement liées à l’exercice des fonctions sont prises en charge par l’Etat". Ce texte n'a, il est vrai, aucune valeur contraignante. Il est là pour faire joli. D'ailleurs, le déplacement de Valls, a-t-il sérieusement assuré, était parfaitement professionnel : il s'agissait d'aller toutes affaires cessantes s'entretenir du Mondial 2016 avec Michel Platini, l'homme qui pas plus tard que la semaine dernière appelait Blatter à la démission, pour cause de corruption. Après une réunion aussi harassante, si on n'a pas le droit de se détendre en regardant un beau match !

On ne peut pas accuser les journalistes présents à Poitiers d'avoir passé l'événement sous silence : toute la journée du dimanche, ils n'ont parlé à peu près que de ça. Très bien. Mais aux radios du lundi matin, les seules protestations entendues étaient celles de quelques experts en morale publique, nommés Claude Guéant et Nadine Morano (pas un mot sur la charte d'Anticor, par exemple), ce qui ravalait l'épisode au rang d'une compétition olfactive entre camembert et roquefort. Celà dit, on comprend l'inquiétude des sarkozistes. Sur le plan de la provocation, et du bras d'honneur multidirectionnel (à la morale publique, aux contribuables, et aux militants de son parti) leur patron a désormais un rival sérieux. Il ne lui manque plus que les Ray Ban.


*Mise à jour mardi 9 juin à 10 heures : la charte déontologique publiée sur le site de l’Elysée n’est pas une charte rédigée par Anticor, même si l’association anti-corruption a beaucoup œuvré pour l’engagement des hommes politiques à adopter des bonnes pratiques. Selon Jean-Christophe Picard, président d'Anticor, la première charte de ce genre date de 1302 lorsque Philippe Le Bel publie une ordonnance "sur la «réformation du royaume» qui exigeait des serviteurs du royaume une vie privée «de bonne renommée» et leur interdisait de recevoir des cadeaux «si ce n’est de choses à manger et à boire». "

Il faut ensuite attendre la circulaire de Michel Rocard du 25 mai 1998 qui constituait, selon Picard, "un véritable code de bonne conduite destiné aux membres du gouvernement. Elle contenait des préceptes très intéressants : il faut « élaguer les dispositifs juridiques de leurs règles désuètes ou inutilement contraignantes » (faire des lois claires et nécessaires), il convient de préférer « le constat de l'action à l'annonce de l'intention » (refus des effets d'annonce), la désignation des titulaires d'emplois publics doit se faire « sans autre distinction que celle de leurs vertus et de leurs talents » (refus du « spoils system »)". Enfin, la première charte éthique proposée par Anticor date de la présidentielle de 2007.

Si la charte publiée sur le site de l’Elysée reprend des termes chers à Anticor – transparence, exemplarité, concertation, intégrité – reste que l’association trouve cette charte très peu contraignante à son goût.

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