Dans le miroir Depardieu
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chronique

Dans le miroir Depardieu

Franchement, on serait à la place de José Garcia, ou de Christophe Lambert

, on friserait l'humiliation. Voici une brochette d'honnêtes comédiens, appréciés du public, bénéficiant d'une notoriété tout à fait raisonnable. Tous, et sans doute quelques autres, se sont exilés fiscalement en Belgique. Et puis quoi ? Rien. Pas un titre. Pas un "minable" d'un ministre français. Pas un bourgmestre survolté en multidiffusion. Pas une émission spéciale. Pas l'ombre d'un frisson national. Et il suffit que Depardieu arrive, et voilà tous les projecteurs braqués sur lui. Et les manchettes assassines. Et les scoops sur-tweetés à la potion magique. Et les savants calculs torture-méninges : comment a-t-il pu payer 85% d'impôts ? Et les éditorialistes qui le promeuvent Marqueur National de la Frontière entre Gauche et Droite. Et cette insoutenable concurrence des manchettes avec la fin du monde pour vendredi.

Les seuls silencieux du concert, étrangement, ce sont les chanteurs et comédiens français, nos chers enfoirés, si prompts à voler au secours des pauvres et des sans papiers (qu'il est évidemment urgent d'aider, avec l'argent des impôts). À la notable exception de Michel Sardou, quel silence ! On n'en remarque que davantage l'adresse de Philippe Torreton à Depardieu, dans Libé de ce jour (lien payant) : "Tu voudrais qu’on te laisse t’empiffrer tranquille avec ton pinard, tes poulets, tes conserves, tes cars-loges, tes cantines, tes restos, tes bars, etc. (...) Le problème, Gérard, c’est que tes sorties de route vont toujours dans le même fossé : celui du « je pense qu’à ma gueule », celui du fric, des copains dictateurs, du pet foireux et de la miction aérienne, celui des saillies ultralibérales…"

Pourquoi l'hystérie ? Attention, voici une hypothèse : le châtelain de la rue du Cherche-Midi, le magnat de la poissonnerie du VIe arrondissement, le tycoon du vin de Loire, "représente le Français moyen, hypertrophié dans tous ses traits, mais tout de même le Français moyen." Qui formule cette forte analyse ? Un chercheur belge, interrogé par la RTBF. Autrement dit, le Français moyen, avant tout, est un ventre, puisque Depardieu n'est que ventre. Ventre qui ingère et évacue, ventre qui a conquis son autonomie, gouverne l'ensemble du système, et ne rêve de rien d'autre que d'engraisser encore, dans des châteaux de Barbe bleue sans les clés, des demeures vastes comme des aéroports nantais. Encore notre ami belge veut-il bien reconnaître que Depardieu est une représentation "hypertrophiée". Le Français moyen, faut-il donc déduire, roule ivre en scooter, mais ne carambole qu'avec délicatesse. Il flatule sur son lieu de travail, mais avec distinction. Il urine dans les avions, mais avant le décollage. Merci pour le miroir, dont il faut bien croire qu'il nous dit quelque chose de nous-mêmes.

Màj, 12h: suppression du nom d'Emmanuelle Béart de la liste des exilés fiscaux, où il figurait à tort, sur la foi d'un reportage de la RTBF.

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