Allemagne, l'innommée perpétuelle
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Allemagne, l'innommée perpétuelle

Tendez l'oreille. La voix vient de Grèce. "Il est temps de reconnaître que l'austérité seule condamne non seulement la Grèce, mais l'intégralité de l'Europe à la probabilité d'une ère douloureuse." Autrement dit, il est urgent de reconnaître à la Grèce le droit d'étaler ses remboursements, de lui donner de l'air. Ce n'est pas le "Mélenchon grec", Alexis Tsipras qui le dit. Ce n'est pas un des manifestants contre l'austérité, saisis par un micro dans les rues d'Athènes. C'est Charles Dallara, qui dirige l'Institut de la Finance Internationale, organisme basé à Washington qui représente les 400 plus grandes banques de la planète, autrement dit porte-parole du lobby des banquiers du monde entier. C'est la Finance sans visage, qui parle devant un parterre de banquiers. Et qui dit la même chose que les manifestants (ou presque. Car Dallara, il ne faut rien exagérer, se prononce aussi contre une remise des dettes publiques de la Grèce, qui serait "politiquement dangereuse" en Europe. Etaler, oui. Re-prêter, oui. Faire remise, non).

Et Bernard Guetta, lyrique comme toujours, construisait sa chronique de France Inter sur ce thème: formidable, il se passe quelque chose, ça bouge, banquiers et manifestants disent la même chose. Mais alors, songeait-on, brosse à dents en suspension, si les peuples sont d'accord, si les banquiers sont d'accord, si Christine Lagarde est d'accord, si Hollande est d'accord pour reconnaître que l'austérité sans fin ne mène à rien, qu'il faudrait étaler, annuler les dettes, débloquer les crédits, faute de quoi on n'en sortira jamais, alors qui bloque ? Pourquoi toutes ces voix convergentes ne désignent-elles pas le frein à ce consensus du bon sens ?

Et tous les regards de se tourner vers Berlin, qui n'était pas nommée dans la chronique de Guetta, pas davantage que dans l'exhortation de Dallara. Car on en est là. C'est l'Allemagne qui bloque la reprise européenne, et chacun le sait. Dallara le sait. Lagarde le sait. Guetta le sait. L'Allemagne seule. L'Allemagne, pour tout un faisceau indémêlable de raisons bien connues, psychologiques, financières, religieuses, morales, électorales. Mais sur ce constat évident, pèse un surmoi qui prend ses racines dans les décombres de 1945. A quelques exceptions près, comme encore cette semaine Emmanuel Todd, qui crie d'autant plus fort que tout le monde se tait autour de lui, personne ne désigne l'Allemagne. On ne stigmatise pas l'Allemagne. On ne nomme même pas l'Allemagne. On ne regarde surtout pas du côté de l'Allemagne. On aurait trop peur de braquer l'Allemagne, et de faire fleurir les croix gammées sur les pancartes, dans les manifs. Peut-être serait-il temps d'en sortir. D'oser simplement nommer l'Allemagne, comme on nomme la Grande-Bretagne, l'Espagne, ou l'Italie. Comme un pays ordinaire, avec de grandes qualités, un génie propre, et un égoïsme à la hauteur de ces grandes qualités et de cet impressionnant génie.

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