Et la petite phrase fut... une anaphore
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chronique

Et la petite phrase fut... une anaphore

Et la France découvrit l'anaphore.
Tant pis pour les futurs monteurs des rétrospectives du débat présidentiel, le moment de bravoure de cette année ne sera pas une courte petite phrase, mais une longue anaphore de trois minutes vingt. "Moi, président de la République", seize fois répété par Hollande au cours du débat, en une longue et brillante tirade, exprimant calmement une rupture implacable avec l'esprit du sarkozisme. "Moi président de la République, je ne participerai pas à des collectes de fonds dans un hôtel parisien". Et tout y passa: indépendance de la Justice, statut pénal du chef de l'Etat, indépendance des médias, etc etc.

Etrange anaphore, à l'examiner de près. Etrange et légèrement ambiguë. Le bloc "moi président de la République", forme-t-il un tout, comme (par exemple) dans la phrase gaullienne "moi vivant, jamais le drapeau FLN ne flottera sur l'Algérie" ? Mais alors, dans ce cas, quelle étrange dissociation du moi et du je ! Quel étrange système, dans lequel "moi", pendant cinq ans, serait une sorte de...surmoi, de garde-fou, de "conscience" de "je", seule la conjonction des deux empêchant l'entité "président Hollande" de retomber dans les travers maudits du sarkozysme ! Ou bien faut-il glisser une virgule entre "moi" et "président de la République", fusionnant ainsi "moi" et "je" dans un seul groupe sujet (mais alors, la formule est un peu lourde, et pourrait faire l'économie du "je").

Je pinaille, je sais. Je pinaille comme on pinaillait avec délices, les premières années, sur le verbe mitterrandien, sur sa créativité verbale, ce qui est au total plutôt rafraichissant. Mais le pinaillage n'empêche pas d'apprécier. Ce furent au total trois minutes vingt d'allégresse. Trois minutes vingt, le temps d'une chanson, pour effacer, venger, cinq ans d'appropriation, cinq ans de gloutonnerie, d'anomalie et au total d'humiliation. Comme on regrettait, pendant ces trois minutes vingt, l'interdiction des plans de coupe, qui nous privait de la réaction du sortant, dénoncé en creux, sans jamais être nommé ! Dès le lendemain matin, jeudi, Hollande assurait que cette tirade, dans sa forme, n'avait pas été préparée. Ne serait-ce qu'en raison de la légère imperfection de l'anaphore, soulignée plus haut, c'est après tout possible. Pourquoi ne pas croire à l'inspiration du moment, celle qui vous hisse au-dessus de vous-même, au-dessus de vos inhibitions, hors de vos prudences ? "Moi président de la République": spontanées ou préparées, ces trois minutes vingt constituent le premier véritable moment présidentiel de la saga Hollande.

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