Et les libraires, dans tout ça ?
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Et les libraires, dans tout ça ?

Je vais vous rendre jaloux : le livre, notre tout premier livre, Crise au Sarkozistan, on l'a en mains depuis vendredi soir.

Jean-Marc Savoye, le patron du Publieur.com, est venu nous l'apporter, juste au moment de la mise en ligne de l'émission. Il en avait fait tirer vingt, pour qu'on puisse le revoir à la loupe, lister toutes les imperfections, avant de lancer la semaine prochaine l'impression des quelque 4000 exemplaires d'ores et déjà commandés et qui seront envoyés, comme prévu, à partir du 1 er décembre.

Moment d"émotion. Un vrai, un beau, un mignon petit livre, et la douceur de sa couverture, et la qualité des reproductions des dessins de Mor, et le numéro ISBN, et ses cornes zébrées, et sa barbiche de sous-officier... Il a tout comme les grands. J'en ai écrit, des livres, une petite quinzaine. Rien à voir. Celui-là, c'est un bébé de chez nous, conçu et accouché à la maison. Bien sûr, des bricoles à revoir. Resserrer les interlignages de la quatrième de couverture. Décaler de quelques millimètres les blocs de texte dans les pages, afin de ne pas obliger le lecteur à l'ouvrir un tout petit peu trop large, au risque de casser la reliure (pourtant solide, la reliure, hein, on a fait les crash tests, on peut le laisser ouvert tant qu'on veut, ça ne risque rien), relire attentivement le texte, éliminer les répétitions et les lourdeurs qui subsistent. Mais globalement, quel beau bébé !

Alors, tu veux la mort des libraires ?

Bon. Surmonter un peu notre émotion, tout de même. Se poser quelques minutes, et commencer à réfléchir à l'aventure. Je viens de discuter longuement avec Sebastien Fontenelle, très impressionné par le succès des premiers jours. Il souhaite y consacrer une enquête dans Bakchich. Il a interrogé quelques éditeurs (vous lirez leurs réactions dans son article), et souhaitait me poser quelques questions sur les différents aspects de l'opération. Est-ce un modèle transposable ? Cela va-t-il modifier le rapport entre les éditeurs et les auteurs ? Les librairies ont-elles du souci à se faire ?

Toutes questions auxquelles, je l'avoue, on n'avait pas vraiment réfléchi auparavant, excités qu'on était par ce boulevard qui s'ouvrait devant nous : éditer un livre, un vrai livre, sans éditeurs et sans libraires.

Sans libraires. Voilà une des questions les plus intéressantes de Fontenelle. Alors, Schneidermann, tu veux la mort des libraires ?

Ah non, Votre Honneur, je ne souhaite nullement la mort des libraires. J'aime les librairies. J'aime y fouiner, m'y engloutir, m'y perdre. Le nombre d'auteurs que j'y ai découverts, et sur lesquels ne m'avaient alerté ni la critique, ni le bouche à oreille ! Combien ont ensuite nourri des chroniques, été invités sur nos plateaux ! La librairie, la bonne vieille librairie, me semble encore indispensable au contournement de la sur-production éditoriale, et de la dictature médiatique sur l'édition. Le bon antidote à Ruquier et à Denisot, incarnations actuelles de la Prescription Obligatoire, c'est le libraire. Libraire de quartier, chef de rayon à la FNAC, peu importe. Le libraire qui conseillera. Le librairie qui disposera sur ses tables, et sur ses présentoirs, des titres choisis par lui. Le libraire qui organisera, entre une pile et celle d'à côté, le savant hasard des rencontres.

Donc non, je ne souhaite pas la mort des libraires.

Et pourtant, là, avec ton site, tu viens de les priver de la vente de quatre mille exemplaires du livre.

C'est vrai.

Que répondre ?

D'abord, qu'il n'y avait pas vraiment d'alternative.

Si on avait voulu passer par les circuits traditionnels, trouver un éditeur, faire une mise en place dans les librairies, il fallait renoncer aux fêtes de fin d'année, ce qui eût été vous priver d'une belle occasion de cadeaux à l'entourage (la moitié des commandes passées, rappelons-le, l'ont été pour des lots de quatre livres pour le prix de trois).

Ensuite, on n'est pas les principaux responsables du malaise de la librairie. Regardez plutôt du côté d'Amazon, des grands vendeurs en ligne.

Trop facile ! Les petits tirages font les grandes catastrophes. Pas question d'exonérer le type qui jette le papier gras par terre, au prétexte de la nocivité des gros pollueurs.

Exact. Donc ? Donc, cette nouvelle aventure va nous obliger à ré-inventer des rapports entre auteurs, éditeur, et libraires. Ne me demandez pas comment, je n'en sais rien. Je sais ce dont nous ne voulons pas: la toute-puissance prescriptrice de la télévision. Le système absurde des envois d'office par les éditeurs aux libraires, de ces piles de cartons qu'lis doivent ouvrir chaque semaine, en sachant d'avance que la plupart de ces livres ne se vendront pas. Et la suite : les invendus, les retours, le pilonnage, le gâchis. Comment, dans le système actuel, éliminer le mauvais, et garder le bon ?

Fontenelle m'a posé bien d'autres questions. Mais, ne voulant pas (trop) déflorer son papier, je m'arrête là. Bref, un sacré remue-méninges en perspective. Mais bon. Je vous laisse: j'ai un livre à (re) lire. Et vous, à propos ? La commande est passée ?

(Illustrations de ce making of : montages des participants à notre grand concours Facebook: trouvez l'emblème et la devise du Sarkozistan. Et ci-dessous, un didacticiel pour tous les écrivains amateurs...)

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