Mort de quatre "civils" afghans
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chronique

Mort de quatre "civils" afghans

Ce n'est rien. Juste une question de mots et de titres.

Vous avez sans doute vu hier soir au jité, ou entendu ce matin à la radio, que l'Armée française avait tué par erreur "quatre civils afghans". C'est une tragique méprise. Hervé Morin la regrette profondément. Il partage "la douleur des familles". L'affaire remonte au 6 avril, et si on ne l'apprend qu'aujourd'hui, c'est qu'il a fallu "le temps de l'enquête". Bon.

Quatre civils afghans : ainsi a été titrée la dépêche de l'AFP. Il faut plonger dans le texte de la dépêche, pour y trouver la précision que ces civils étaient "de jeunes civils", et même "des adolescents". Et il faut aller fureter ailleurs, par exemple sur le blog de Jean-Dominique Merchet, spécialiste Défense à Libération, pour y apprendre une précision supplémentaire, noyée dans le corps de la dépêche AFP : ces "civils", ces "jeunes civils", ces "adolescents", étaient âgés...de 10 à 15 ans. De très jeunes civils, en effet. Il existe même un mot dans la langue française : enfants. En tout cas pour les victimes âgées de 10 ans. Merchet titre son billet en parlant de "jeunes garçons". C'est en effet l'appellation la plus juste. La précision (capitale, me semble-t-il) sur les âges est jugée par Merchet assez importante pour être donnée dès le premier paragraphe de son article.

Ce n'est rien, mais c'est beaucoup. Dans la représentation que nous nous faisons d'une information, le titre est capital. L'impression laissée par le titre restera. Les informations contenues ensuite dans le corps de l'article, et que notre cerveau indexe avec une vigueur globalement décroissante au fil des paragraphes, peuvent nuancer, atténuer, voire parfois (quand l'article est mal titré) contredire le titre, elles auront beaucoup de mal à rivaliser, dans notre souvenir, avec l'impression initiale, celle par laquelle nous sommes entrés dans l'information. Et ce mécanisme joue même pour les cerveaux des journalistes, guère différents des autres. Pour preuve : l'immense majorité des journalistes des sites de presse qui "traitent" la dépêche de l'AFP reprennent son titre ("civils"), et sa hiérarchie de l'info (les précisions sur les âges, quand elles sont données, sont jugées secondaires). Non pas, évidemment, pour atténuer consciemment la bavure de l'Armée française. Mais parce que la pente naturelle les pousse à "gober" les mots, la hiérarchie de l'info, la vision de l'AFP. Voilà. Ce n'est pas une grave manipulation. Ce n'est pas une sale opération de propagande de guerre. Personne n'a rien voulu cacher. Les informations ont bien été données. Je vous avais prévenu, ce n'est rien. Quatre fois rien.

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