Donc, Ségolène Royal soutient Edwy Plenel.

Ah oui, vous avez peut-être manqué des épisodes. Je résume.

Plenel, ancien directeur de la rédaction du Monde (et à ce titre, mon ancien patron et co-licencieur avec Jean-Marie Colombani) vient de débarquer sur le Net, en ouvrant un site payant d'information, MediaPart.

Il rejoint ainsi le prometteur terrain de jeu des journalistes professionnels sur Internet, où s'ébrouent déjà une demi-douzaine de canetons turbulents.

A ce titre, il appelle les futurs lecteurs à s'abonner (ça ne vous rappelle rien ?)

Je vous laisse, le cas échéant, rattraper votre retard en lisant MediaPart, et en le googlisant si le coeur vous en dit.

Et donc, cette nuit, mail de Royal à toute la galaxie ségoliste: soutenez Plenel, abonnez-vous!

Ca fait beaucoup de nouvelles à digérer d'un coup.

Prenons-les dans l'ordre. D'abord, sur un plan général, tout ce qui pourra contribuer à créer une alternative d'information aux médias traditionnels est à encourager.

A ce titre, je pense que les journalistes professionnels ont un rôle à jouer. Pas davantage que d'autres, mais pas moins non plus.

Mais il ne faudrait pas que ces nouveaux médias soient aussi opaques que les anciens.

Une bonne habitude à prendre, par exemple, ce serait qu'ils soient transparents sur leur financement et leurs soutiens. A en juger par l'épisode Royal-Plenel, ça démarre plutôt mal, puisqu'à l'heure où j'écris ces lignes (15 heures), si Plenel a répondu aux questions de certains blogueurs, MediaPart n'a pas encore...fait part à ses lecteurs du soutien de Royal, dont bruit depuis ce matin toute la blogosphère.

Reste la question de fond: un soutien politique est-il une entrave à la liberté d'un média? Si je comprends bien Plenel, il souhaite en finir avec la dépendance des médias par rapport aux politiques. Sauf...quand ils le soutiennent.

Je n'ai jamais bien compris la dialectique plenelienne, et là, ça ne s'arrange pas. Mais je ne doute pas qu'il s'expliquera davantage dans les jours qui viennent.

Dans cette nouvelle mare aux canetons, chacun fait ses choix. Les uns, comme Rue89, ont fait le choix de la pub. Nous, on n'en aura pas, et je vous ai expliqué pourquoi.

D'autres, comme Plenel, se réjouissent de s'attirer des soutiens politiques: nous, on n'en a pas non plus, nous n'en demandons pas, et nous n'en demanderons pas. En recevrait-on, qu'on serait bien embarrassés. Pour tout vous dire, l'été dernier, après la suppression de l'émission sur France 5, quand Royal nous avait offert l'asile politique en Poitou-Charentes (proposition qui s'est ensuite perdue dans les méandres du marais poitevin), je n'avais pas trop sû comment gérer ce cadeau empoisonné. Je pense que la proximité, la sollicitude des politiques, sont tout aussi handicapants pour un média, que leur hostilité. Ah, chers amis du camp du Bien! Aimez-nous, mais...à distance, et en silence!

Et nous, petit caneton parmi les autres canetons? C'est plus fort que nous, nous sommes et resterons le vilain petit caneton.

Nous souhaitons rester indépendants. Obsessionnellement, maladivement indépendants. De Lagardère, d'Opinionway, de l'audimat, de Sarkozy, de la Sarkozie et de la para-Sarkozie bien entendu, vous vous en êtes aperçus ces dernières semaines. Mais aussi de Royal, de Delanoë, de Plenel, de Pierre Bergé, du Point et de Cavada, et même (au risque de choquer certains d'entre vous) de la DST et de Guillaume Dasquié. Au moment de l'enquête (y compris à propos des médias), au moment de tenter d'établir les faits, un journaliste doit savoir mettre dans sa poche ses sympathies, ses amitiés, et ses allergies personnelles. Ce n'est pas toujours facile. Mais c'est indispensable.

Depuis septembre, en vous abonnant en masse (près de 30 000), vous nous avez offert le cadeau d'une totale indépendance. Croyez bien que nous sommes décidés à en faire le meilleur usage. C'est un cadeau...royal.