Royaume-Uni : le non-candidat, le traître et la chroniqueuse du Mail
Brève

Royaume-Uni : le non-candidat, le traître et la chroniqueuse du Mail

Au Royaume-Uni, les candidats à la succession de David Cameron se mettent en ordre de bataille. Parmi eux, Michael Gove, ancien fidèle allié de Boris Johnson, qui a trahi ce dernier à la dernière minute en annonçant sa candidature - et en dénigrant celle de Johnson. L'une des protagonistes de ce scénario surprise : Sarah Vine, chroniqueuse pour le tabloïd pro-Brexit The Daily Mail... et compagne de Gove.

En temps de confusion politique, rien de tel que des personnages au caractère net et tranchant. Pour raconter les derniers rebondissements au sein du camp conservateur, les tabloïds peuvent compter sur des héros très shakespeariens. Ces derniers jours, ce furent le "traître" Michael Gove et sa "Lady Macbeth" (le personnage féminin qui, dans la pièce Macbeth, intrigue pour favoriser l'ascension au pouvoir de son mari) : son épouse, la chroniqueuse du Daily Mail Sarah Vine.

Sarah Vine, alias "Lady Macbeth", dans le Daily Telegraph

Le scenario ? Celui d'un coup de théâtre qui n'avait été anticipé par personne. Dans la bataille pour la succession de David Cameron en tant que chef du parti conservateur (et donc de l'exécutif), un candidat était particulièrement attendu : l'ancien maire de Londre Boris Johnson, pilier de la campagne du "Leave". Un autre visage du camp conservateur avait, lui, été très clair sur le fait qu'il ne serait pas candidat : Michael Gove, ancien journaliste à la BBC et au Times devenu député puis ministre (de l'Education puis de la Justice) de Cameron. Jeudi 30 juin, Johnson a renoncé à briguer le poste, et Gove a annoncé sa candidature.

Extrait de la Une du Guardian du 1er juillet 2016 : "La trahison"
(à gauche, Michael Gove, à droite, Boris Johnson)

La raison de ce rebondissement ? Les commentateurs politiques britanniques n'ont pas tardé à pointer du doigt un personnage haut en couleurs, qui aurait œuvré dans l'ombre : Sarah Vine, chroniqueuse pour le tabloïd pro-Brexit The Daily Mail et épouse de Gove. C'est elle qui aurait poussé l'ancien ministre à trahir son allié. La preuve ? Un e-mail qu'elle a adressé à son mari et à deux de ses conseillers, ayant (étrangement) "fuité" dans la presse. Vine y avertit Gove : "Tu DOIS avoir des garanties SPECIFIQUES de Boris, SINON tu ne peux pas lui garantir ton soutien". Plus loin, elle ajoute que Johnson n'est pas apprécié du milieu médiatique : le rédacteur en chef du Daily Mail Paul Dacre et l'homme d'affaires Rupert Murdoch (qui possède le Sun et le Times) "le détestent instinctivement".

"L'e-mail fuité de Sarah Vine à Michael Gove sur ses craintes à propos de Boris Johnson - lisez-le intégralement", The Independent, 29 juin 2016

Le Mail et News Corp (l'empire médiatique de Murdoch), des outils-clés dans la course à la tête du parti conservateur ? Vine en sait quelque chose : elle est elle-même chroniqueuse pour le Mail.

Comment va-t-elle gérer sa double casquette de journaliste et épouse d'un potentiel futur Premier ministre ? Pour le moment, elle ne semble pas particulièrement soucieuse de marquer la distance entre ces deux fonctions. Le lendemain de la victoire du "Leave", elle racontait ainsi par le menu aux 1,7 millions de lecteurs de son journal comment elle a appris le 24 juin au matin, en même temps que son mari, la victoire du "Leave" (par un coup de téléphone un peu avant 5 heures), puis comment ils ont pris le thé, tenté d'éviter les reporters qui filmaient leur maison en direct, ou encore comment elle a ensuite passé la journée avec sa fille de 13 ans.

Mais l'influence de Vine n'est certainement pas la seule cause du changement de stratégie de son époux. Ce dernier aurait aussi été, plus prosaïquement, déçu par son allié Boris Johnson. Une partie du drame se serait nouée... autour d'un barbecue, à en croire le Daily Mail (encore lui). "Comment les doutes de dernière minute de Gove sur les qualités de dirigeant de Boris [Johnson] ont conduit Gove à poignarder son allié du Brexit", titrait ainsi le Mail le 30 juin. Alors qu'ils devaient se retrouver pour discuter stratégie, après la victoire du "Leave" le 23 juin, le journaliste du Mail Andrew Pierce raconte comment l'apparente légèreté de Johnson a fait douter Gove. Déjà irritée par l'image de Johnson jouant au cricket le week-end suivant le référendum, l'équipe de Gove n'est pas rassurée par l'ambiance du barbercue-réunion : "La réunion était désorganisée et manquait de rigueur. Il n'y avait pas de structure. L'après-midi a un peu ressemblé à un déplacement gâché", assure un membre de l'équipe du "traître" dans le quotidien.

Le Guardian ironise sur la partie de cricket de Boris Johnson après la victoire du "Leave"

L'épisode qui aurait achevé de convaincre Gove de la nécessité de se présenter lui-même ? Alors que Johnson et Gove avaient convenu de remettre à l'une des artisanes du "Leave", Andrea Leadsom, la promesse écrite d'un poste de poids au sein de leur futur gouvernement, Johnson aurait... oublié la missive dans son bureau, le jour où il devait lui remettre. S'estimant "snobée" et "menée en bateau", l'intéressée a décidé de déposer sa propre candidature. Et tout cela est forcément vrai, puisque raconté dans le Daily Mail.

Pour mieux comprendre l'univers des tabloïds, replongez-vous dans notre article : "Non, les tabloïds anglais ne sont pas (toujours) ce qu'on pense"

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