Djihadistes : le rôle de Telegram (Spécial Investigation)
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Djihadistes : le rôle de Telegram (Spécial Investigation)

Dans "les Soldats d’Allah", un documentaire de 90 minutes diffusé ce lundi sur Canal+, un journaliste (anonyme) raconte ses six mois d’infiltration au sein d’une cellule terroriste française. Il dévoile notamment leurs dispositifs de communication par les réseaux sociaux ainsi que les failles dans la cybersurveillance.


"Je suis musulman et journaliste, je peux aller là où mes confrères ne pourront jamais mettre les pieds". Saïd Ramzi, c’est le pseudonyme sous lequel ce journaliste de 29 ans a pu filmer, en caméra cachée, "les coulisses d’une organisation qui contrôle parfaitement son image". Pendant six mois, il a infiltré une cellule se revendiquant de Daech en France. Une dizaine de jeunes "fracassés de la vie, mal dans leur peau", tous dans l'attente d'une mort en martyr, en Syrie ou en France. A travers ce film, le journaliste a "tenté de comprendre ce qu’ils ont dans la tête", comme il le raconte dans un entretien accordé à Télérama.

L' "émir", chef de la cellule qui se fait appeler "Oussama"

"Le principal outil de propagande"

La première étape? Approcher les partisans de l’Etat Islamique en France. Le journaliste n'y parvient pas en fréquentant les mosquées proches des salafistes, hostiles aux "daechiens", mais en se créant un faux compte Facebook. "Entrer en contact avec eux n’est pas si difficile, mais gagner leur confiance, c’est autre chose" explique-t-il à Télérama. Il est vite surpris par les profils qu’il rencontre sur le réseau social. "Je n’ai pas vu d’islam dans toute cette affaire. Aucune volonté de rendre le monde meilleur. Seulement des jeunes paumés, frustrés, perdus, suicidaires, facile à manipuler" explique-t-il dans le commentaire du film.

Les apprentis terroristes communiquent par l'application Telegram (capture d'écran, "Soldats d'Allah")

L'intérêt principal du film réside dans le décryptage des modes de communication utilisés par les apprentis djihadistes. Et la cible de toutes les attentions, c'est Telegram, application de messagerie chiffrée disponible sur téléphone et particulièrement appréciée des terroristes pour son anonymat. On peut y discuter, mais aussi échanger des vidéos de propagande ou des tutoriels pour fabriquer une ceinture d’explosifs. "Telegram est le principal outil de propagande des sympathisants de Daech. Et il est utilisé par les recruteurs de terroristes, des types par nature très ouverts" explique à Télérama Marc Armone (également un pseudonyme), le journaliste qui l’épaulait à distance pendant son enquête.

"On utilise Google Translate"

Pour lutter contre les réseaux de recrutement sur internet, un centre de cybercriminalité a bien été créé au sein de la gendarmerie. Problème, il n’y a pas d’arabophone dans le service, à la grande surprise du journaliste. Face à la caméra, son responsable le colonel Nicolas Duvinage reconnait les failles : "Nous utilisons des outils de traduction en ligne comme Google Translate, donc la qualité est assez approximative". Les gendarmes ne peuvent donc rester qu’à la surface de la toile djihadiste, forcés de se contenter de "ce qui est visible sur internet". Car pour traquer les profils à risque sur Telegram, il leur faudrait opérer sous pseudonyme, or le droit français est très stricte en la matière: l' "apologie du terrorisme" ne permet pas de mettre en place une surveillance masquée, ce qui représente "un énorme frein à l’enquête" concède Duvinage.

'Les soldats d'Allah", Spécial Investigation, Canal+, le 2 mai 2016

Face au refus de divulguer des données particulièrement bien protégées, "affiché par Telegram comme un élément marketing", les forces de l’ordre n’ont même pas contacté l’application. Lors d’une de ses rares apparitions publiques, Pavel Durov, le créateur de Telegram, à la question "dormez-vous bien la nuit en sachant que des terroristes utilisent votre plateforme?" répond: "C’est une très bonne question. Mais je crois que notre droit à la confidentialité est plus important". Cependant, après les attentats de Paris, l'énigmatique informaticien avait accepté de supprimer 78 comptes, en 12 langues différentes, liés à l’Etat Islamique.

(par Maxime Jaglin)

L'occasion de revoir notre émission sur les ressorts de l'embrigadement djihadiste

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