Pasqua / de Greef : Affairo-gaullisme et esprit Canal
Brève

Pasqua / de Greef : Affairo-gaullisme et esprit Canal

C'est l'heure où règne sans partage la parlote, sur les chaînes d'info.

On papote Grèce, on papote Djihad, avec ces invités meublants à tiroirs et recoins, que l'on écoute d'un oeil, comme la bande-son vaguement vindicative des drames du monde. C'est l'heure où va boire à la rivière la meute des Yaka Faucon, comme tout serait simple si on les écoutait, comme la terre irait mieux. Et soudain, dans les bandeaux du bas de l'écran, s'inscrit la nouvelle de la mort de Charles Pasqua.

Il faut quelques minutes avant que cette nouvelle grimpe des bandeaux au cerveau des présentateurs, et tout d'un coup c'est fait, je vous interromps, priorité au direct, actu oblige, Charles Pasqua est mort. Et alors se produit le miracle : les invités Grèce ou Djihad se transforment instantanément en invités Pasqua. Pour tel spécialiste de la sécurité, rien de plus facile : de la sécurité djihad, il glisse à la sécurité Pasqua, terroriser les terroristes, comme il avait tout compris avant tout le monde, l'homme du Pernod-gaullisme. Jean-Marie Cavada (pourquoi diable Cavada ?) exprime tout son respect. Et le politologue Gaël Brustier, qui quelques secondes plutôt plaidait pour le Non au référendum grec, ô miracle, ô prodige, révèle qu'étudiant, il fut jadis invité par Pasqua à prendre un petit déjeuner au Parlement européen. Quoique marxiste, il dit aussi tout son respect pour l'ex-Résistant-à-quinze-ans. Puis, comme un orage d'été, s'abat sur les plateaux la mitraille téléphonique des Tiberi, Karoutchi, Alliot-Marie, Balkany (Patrick et Isabelle, successivement), qui eût cru que la Françafrique des Hauts de Seine recelait tant de trésors d'émotion ? Qui eût cru que Pasqua récitait à la jeune Isabelle Balkany "des sourates entières du Coran, et des pans du Talmud" ? Qui eût cru que la mort du jeune étudiant Malik Oussekine l'avait "atteint" ? Car sous la rude écorce, etc. De toutes ses forces, le présentateur d'iTélé Olivier Galzi rame à contre-courant, rappelle les "zaffaires" financières, les condamnations, la réputation sulfureuse. Mais on ne rame pas contre un orage.

Bref, on est en plein épisode caniculaire de Pasqualgie, quand sur Twitter tombe le second mort de la soirée, Alain de Greef, légendaire directeur des programmes de Canal+. Le même soir, quelle injustice. On repense à la mort de Cocteau, si injustement occultée par celle de Piaf. Sarcastique d'avance, on s'apprête à observer le second miracle de la soirée : la transmutation du chagrin Pasqua en chagrin de Greef, par les mêmes. L'éloge des Guignols par Xavière Tiberi, des Nuls par Nicolas Sarkozy, et du Kulunmouton par Michelle Alliot-Marie. Mais non. Rien. Pas un mot. Pas même de bandeau en bas de l'écran. Affairo-gaullisme contre esprit Canal : on ne pouvait imaginer symboles plus éloignés. Confrontées à l'irréductibilité radicale de ces deux composantes glorieuses de l'identité nationale, les chaînes d'info n'ont eu d'autre solution que le silence.

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