Blendle, "iTunes de la presse" : révolution, ou déjà dépassé ?
Brève

Blendle, "iTunes de la presse" : révolution, ou déjà dépassé ?

"Un an de journalisme sans inscription, sans pub et sans appât à clic."

Le site Blendle, souvent décrit comme "l’itunes de la presse" (et dont @si décrivait le modèle de vente d’articles à l’unité ici) fait le bilan après un an de fonctionnement dans son pays d’origine, les Pays-Bas. "Notre but : mettre tous les journaux et magazines du pays derrière un seul paywall (plutôt sexy), et le rendre tellement facile d’accès que les jeunes se mettent à payer à nouveau pour du journalisme", rappelle Alexander Klöpping, co-fondateur du site, dans un article publié sur la plateforme de blogs des fondateurs de Twitter, Medium.com.

Sans surprise, l’équipe de Blendle, qui vient de signer des partenariats prestigieux avec le New York Times, le Wall Street Journal ou le Washington Post, dresse un bilan spectaculaire (mais souvent flou). "[Avec plus de 250 000 utilisateurs], nous générons des sommes d’argent tout à fait décentes pour les journaux (je ne peux pas dire combien, malheureusement, mais simplement que c’est plus que ce que génère Apple) dans notre courte existence. Mais le plus important c'est que cet argent vient de personnes qui n’avaient jamais payé pour du journalisme avant. Mes amis n’ont jamais payé pour de la musique et des films, jusqu’à Spotify [streaming musical] ou Netflix [films et séries en streaming]."

Le fondateur détaille ensuite plusieurs leçons tirées de cette première année. "Le micro-paiement ne fonctionne pas pour l’actualité chaude. Les gens ne veulent pas payer pour quelque chose qu’ils peuvent avoir gratuitement partout ailleurs. Ils payent pour des articles de fond, de bonnes analyses, des éditos, de longues interviews etc. En somme, les gens ne veulent pas payer pour le «quoi», ils veulent payer pour le «pourquoi»".

Le deuxième enseignement vient d’une spécificité du modèle de Blendle : si le lecteur n’est pas satisfait d’un article acheté, il peut demander à être remboursé. L’équipe néerlandaise peut donc savoir quels articles "déçoivent" les lecteurs. Les lecteurs demandent ainsi le plus souvent à être remboursés pour des contenus survendus, qui jouent la carte de "l’appât à clics". "Nos lecteurs punissent l’appât à clics. […] Le modèle Buzzfeed ne fonctionne pas si les gens doivent payer pour lire l’article", estime ainsi Klöpping, avec des taux de remboursement qui atteignent 50% sur certains articles de journaux "people". "Il se pourrait bien que le micropaiement rendra meilleur le journalisme", avance-t-il même.

iTunes ? C'est déjà dépassé

Problème : un mois plus tôt, un article hostile au modèle Blendle avait fait parler de lui. Sur la même plateforme, Medium, le jeune rédacteur en chef du journal Neon Tommy de l’Université de New York (NYU), Will Federman, détaillait pourquoi le "micro-paiement pour des articles est une idée terrible, horrible". Il conteste un modèle dans lequel le lecteur doit constamment s’interroger sur la valeur de chaque article. En somme, les journaux, selon lui, devraient monétiser un service rendu, un confort de lecture ou une ligne éditoriale, et non pas des articles à la pièce qui ne valent pas grand chose en eux-même.

Un argument qu’il complète en expliquant comment le modèle d’iTunes… appartient déjà au passé. "Le modèle où l’on paye chaque chanson à l’unité n’est même plus le modèle en vogue chez les consommateurs de musique. Les gens n’achètent plus une chanson, ils payent pour écouter toutes les chansons sur tous les supports. L’industrie de la musique, comme l’industrie de la presse, est en chute libre" rappelle-t-il, en référence aux services comme Spotify où l'utilisateur paye 10€ par mois pour une consommation illimitée de musique en streaming.

L'achat de chansons à l'unité a baissé de 13% en valeur entre 2013 et 2014, quand le streaming illimité augmentait de 28% (Forbes - Statista)

Et la consommation d’articles à l’unité n’est pas non plus sans conséquence sur le fond. Selon une étude de deux journalistes de l’Université du Tennessee, le micro-paiement enfermerait le lecteur, puisqu’il ne choisirait que des articles allant dans le sens de ses convictions. "Les consommateurs qui doivent payer pour chaque article, ne vont pas «investir» dans une histoire qu’ils n’ont pas envie de lire", conclut Federman, qui craint des lectorats encore plus "polarisés" qu'ils ne le sont déjà.

Partager cet article Commenter

 

Cet article est libre d’accès
En vous abonnant, vous contribuez
à une information sur les médias
indépendante et sans pub.

Déjà abonné.e ?

Lire aussi

Voir aussi

Ne pas manquer

DÉCOUVRIR NOS FORMULES D'ABONNEMENT SANS ENGAGEMENT

(Conditions générales d'utilisation et de vente)
Pourquoi s'abonner ?
  • Accès illimité à tous nos articles, chroniques et émissions
  • Téléchargement des émissions en MP3 ou MP4
  • Partage d'un contenu à ses proches gratuitement chaque semaine
  • Vote pour choisir les contenus en accès gratuit chaque jeudi
  • Sans engagement
Devenir
Asinaute

5 € / mois
ou 50 € / an

Je m'abonne
Asinaute
Généreux

10 € / mois
ou 100 € / an

Je m'abonne
Asinaute
en galère

2 € / mois
ou 22 € / an

Je m'abonne
Abonnement
« cadeau »


50 € / an

J'offre ASI

Professionnels et collectivités, retrouvez vos offres dédiées ici

Abonnez-vous

En vous abonnant, vous contribuez à une information sur les médias indépendante et sans pub.