Zéro pointé. C’est la note donnée par Frédéric Péchenard, ancien directeur général de la Police nationale et actuel directeur général de l’UMP interrogé en exclusivité par Valeurs actuelles – titre de droite connu pour ses couvertures provocatrices ou ses sondages mystérieux – à la politique du gouvernement en matière de sécurité. Et il n’y a quasi rien à sauver : "oui, il y a une crise réelle dans la police", "l’insécurité remonte avec continuité, "oui, il y a un réel manque de cohérence entre les paroles et les actes du gouvernement". Seule initiative qui trouve grâce à ses yeux : "la loi sur le renseignement, attendue depuis 2012, qui me semble être un bon texte dans sa version initiale". Bref, c’était bien mieux avant quand il était à la tête de la direction générale de la police nationale de 2007 à 2012 durant le mandat de Nicolas Sarkozy.

Vraiment bien mieux ? Ce n’est pas l’avis du rapport de la Cour des comptes sur les réformes concernant le déroulement des carrières des policiers et des gendarmes, mises en œuvre de 2004 à 2012, sous Péchenard donc. Comme le signale La Croix, ce rapport, rendu le 20 avril dernier, pointe des réformes "coûteuses" qui ont manqué de vision stratégique. Non seulement elles "ont entraîné un coût supplémentaire annuel de 503 millions d’euros dans la police et de 168,5 millions d’euros dans la gendarmerie en 2013" mais en plus "les directions générales de la police et de la gendarmerie nationale ne sont pas en mesure de traduire (leur) effet (…) en termes d’efficacité accrue des missions des policiers et des gendarmes".

Pensez-vous que l’intervieweur de Péchenard lui ait soumis ce rapport peu élogieux ? Bien sûr que non. Rien d’étonnant car le journaliste en question, Louis de Raguenel, rédacteur en chef du site de Valeurs actuelles, semble connaître son interlocuteur de longue date. Selon Libération, "avant de devenir journaliste, ce militant UMP proche de la Droite forte a été le monsieur Communication numérique de Claude Guéant au ministère de l’Intérieur, entre 2011 et 2012. Puis il a été promu chef du groupe «nouvelles technologies et veille» au cabinet du directeur général de la Police nationale, Claude Baland". Ce dernier, également proche de Guéant, a pris la succession de Péchenard à l’arrivée de Manuel Valls au ministère de l’Intérieur en 2012. Le dit Raguenel a ensuite été discrètement écarté par Valls en 2013. Il a alors trouvé refuge chez Valeurs actuelles.

Une interview tapis rouge donc publiée sur le site d'un titre qui risque de changer prochainement de propriétaire : d’après Le Monde, mercredi 22 avril, "l’hebdomadaire a confirmé des négociations exclusives entre son propriétaire, le groupe pharmaceutique Pierre Fabre, et la société Privinvest Médias, en vue d’une cession qui « pourrait être effective d’ici fin juin »". Privinvest Médias ? Cette société a été créée pour l’occasion par deux anciens de TF1, Etienne Mougeotte et Charles Villeneuve, ainsi que l’homme d’affaires franco-libanais Iskandar Safa. Peu de risque donc que Valeurs actuelles bascule à gauche.