Des migrants, disait l'auteure de l'article, dont la trace se résume à une bouteille en plastique avec un message écrit en arabe dedans, une paire de chaussures dépareillées…

…des cassettes audio, un tuba…

… des fourchettes et des cuillers, un Coran…

…des journaux intimes écrits dans des langues obscures, des passeports du Bangladesh…

Photos © Mario Badagliacca
extraites de sa série intitulée Frammenti (Fragments)

En tout, huit cents objets recueillis sur la plage de Lampedusa par l'association Askavusa. Son président, Giacomo Sferlazzo, «voudrait créer un "musée du silence" qui raconterait ces vies tues, ces vies tuées. "Les migrants, ce ne sont souvent que des chiffres : le nombre de morts, lors d'un naufrage, le nombre de migrants qui auront été expulsés en une année par un gouvernement, observe-t-il. Mais, derrière ces chiffres, il y a des vies." »

Les chiffres, tout de même, les voici : environ 20 000 migrants ont disparu en mer depuis le début des années 1990. Ajoutons-y les 366 victimes du naufrage du 3 octobre 2013 (il en fut question dans un Vite dit publié hier), les 800 disparus du naufrage qui s'est produit le week-end dernier entre la Libye et l'Italie, et les trois migrants qui ont coulé ce lundi au large de Rhodes :

« Trois personnes sont mortes après qu'un bateau transportant
des douzaines de migrants s'est échoué non loin de l'île grecque de Rhodes.
Les promeneurs furent les premiers à venir en aide aux survivants,
pendant que les services de secours continuaient d'enquêter
sur l'horreur d'un précédent désastre au large des côtes libyennes. »
Photo © Reuters publiée ce lundi dans le Daily Mail

« Un homme porte le corps d'un enfant mort
sur l'île grecque de Rhodes après qu'un voilier en bois
transportant des douzaines de personnes s'est échoué »
Photo © Reuters publiée ce lundi dans le Daily Mail

De tous ces gens il ne reste le plus souvent que des objets naufragés, échoués sur les côtes de Lampedusa : boussoles, morceaux de téléphones portables, cassettes audio, petits pots de compote de pomme, pyjamas pour enfant… musée dérisoire conservé dans des sacs poubelles qui devraient être déversés sur les bureaux marquetés XVIIIe de nos chers gouvernants.

L'occasion de lire ma chronique intitulée Défense et illustration de la liste, où il est question de Robinson Crusoe et de ses listes d'objets récupérés dans l'épave d'un navire échoué.