Les lettres de Breivik à l'AFP : Playstation 3 et fascisme
Brève

Les lettres de Breivik à l'AFP : Playstation 3 et fascisme

"Un simple coup d'œil sur le pli me suffit dorénavant à identifier l'expéditeur."

Le correspondant de l'AFP à Oslo, Pierre-Henry Deshayes, reçoit depuis un an des courriers un peu particuliers qui parlent fascisme, prison... et Playstation 3. Leur auteur ? Le tueur de masse Anders Breivik, extrêmiste de droite, qui a abattu 77 personnes en Norvège fin 2011.

"En un an, j'ai reçu trois lettres d'Anders Behring Breivik, explique le journaliste sur le blog Making Of de l'AFP. [Elles] sont dactylographiées. Seules l'adresse et la signature sont écrites à la main. Elles sont volumineuses : la dernière fait dix-sept feuillets recto-verso." Ce qui transparait le plus dans les écrits du terroriste ? "Son incapacité à distinguer l'hyper-anecdotique du fondamental". "Tout juste arrêté sur Utoeya où il vient de massacrer 69 personnes, des adolescents pour la plupart, et d'en traumatiser physiquement et psychologiquement des centaines d'autres, il demande aux policiers un pansement pour son index douloureux..." rappelle d'ailleurs le correspondant de l'AFP.

Reste la question du traitement journalistique de ces lettres par l'AFP. La première lettre, "un salmigondis interminable", n'a volontairement pas été traitée par le journaliste. La seconde en revanche, reçue en février 2014, a fait l'objet d'une dépêche, très reprise (Le Monde, Libération, The Telegraph etc.). On pouvait y lire certaines des revendications de Breivik, comme celles d'avoir un PC pour écrire ses lettres et une console de jeux plus moderne. Pire, le tueur se décrivait "comme un militant des droits de l'homme" victime de "supplices" dont les médias seraient complices.

Pourquoi contacte-t-il l'AFP (en premier) ?

"Ayant -implicitement- souligné le ridicule de la Playstation dans mon papier ce jour-là, je pensais m'être « privé » de toute nouvelle lettre du tueur. Jusqu'à cette nouvelle épaisse enveloppe avec la même écriture rigide et froide reçue le 5 septembre" poursuit le journaliste, qui se demande pourquoi Breivik, qui dispose d'un quota limité d'envoi de lettres, continue à contacter l'AFP. "Parce que, d'une minutie quasi maladive, Breivik contacte les médias par ordre alphabétique ?" Cela expliquerait pourquoi l'agence française est souvent la première à recevoir les courriers du prisonnier. Surtout, Breivik estime dans ses "manifestes", que "90% des informations mondiales proviennent de trois agences seulement: Associated Press (Etats-Unis), Reuters (GB) et l'Agence France-Presse (France)" qui "soutiennent toutes la mondialisation et le multiculturalisme", qu'il dit combattre.

Cette dernière lettre, reçue le 5 septembre dernier, est la plus problématique selon Deshayes, puisqu'il n'est plus question des conditions de détention, mais des contours d'un projet politique d'Anders Breivik. "Sur 34 pages, il dit vouloir fonder un parti « fasciste », ce qui permettrait, selon lui, de poursuivre son combat sur le mode démocratique plutôt que par la violence" raconte Deshayes. Là aussi l'AFP a choisi de publier une dépêche, en prenant de "multiples précautions", explique le correspondant à Osla : peu de citations du courrier, rappels sur les doutes quant à sa santé mentale et contextualisation.

Alors que la plupart des médias norvégiens ont choisi de taire cette troisième lettre de Breivik, Deshayes s'interroge : faut-il rapporter les propos d'un criminel au risque de lui donner une large tribune ? Mais au contraire, peut-on les passer sous silence au risque d'ignorer des motivations politiques importantes ? Deshayes reste perplexe : "A en juger par les réactions de lecteurs [qui reprochent globament la tribune offerte à Breivik], les avis semblent très tranchés. Personnellement, à ce jour, j'ignore encore la réponse."

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