Cincinnatus à Frangy
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Cincinnatus à Frangy

Le plus vraisemblable (et le plus fascinant) dans la spectaculaire éviction de Montebourg, avec ses dommages collatéraux Hamon et Filippetti, c'est qu'aucun des acteurs du drame ne la souhaitait.

Ni Montebourg ni Hollande, qui avaient élaboré une savante répartition des rôles implicite, très utile aux deux. Rappelons que Montebourg, sur le fond, ne remettait pas en cause les cinquante milliards d'économies, même s'il souhaitait les répartir autrement. Et son étrange posture d'après éviction, assurant qu'il continuera de soutenir un gouvernement qui pourtant, selon, ses mots "coule" l'économie française, montrent combien il a été pris de court.

Symétriquement, Hollande, dans tous ses discours et interviews, n'a jamais cessé d'assortir ses couplets merkelliens sur la réduction des déficits et la reconstitution des marges, d'invocations à un "infléchissement" de la rigueur, parfaitement montebourgo-compatibles. La stéréo fonctionnait donc parfaitement, et pouvait encore durer jusqu'à la fin du quinquennat, le choeur des fameux socialistes "frondeurs" parlementaires jouant tout aussi parfaitement son rôle de "retiens-moi ou je fais un malheur", qui finissent par voter (ou s'abstenir) à la fin.

Hollande a-t-il donc géré l'épisode avec les lunettes embuées par les embruns de l'Atlantique ? Ou bien Valls lui a-t-il forcé la main, avec un "c'est lui ou moi"', comme l'affirme Le Parisien ? Peut-être, mais Valls a alors joué contre son intérêt. C'est le ralliement de Montebourg et Hamon, qui l'avait imposé à Hollande pour la succession de Ayrault. Ralliement politiquement incompréhensible, d'ailleurs, et qui prolongeait l'ambiguité profonde de la marchandise vendue sous l'étiquette PS, depuis le tournant mitterrandien de la rigueur de 1983. Bref, cette brutale clarification, salutaire pour la lisibilité du débat politique, ne profite dans l'immédiat à aucun des acteurs. Sans son cache-sexe protectionniste et keynesien, le dispositif "Hollandreou"'' est nu, et on ne donne pas cher de sa peau à l'Assemblée ces prochains mois.

Pour arriver, aux petites heures d'hier matin, au communiqué "je ne veux voir qu'une tête" de l'Elysée, une dynamique extérieure s'est donc imposée aux acteurs. On peut toujours tenter d'en démêler les composantes : surdose d'échange de textos entre Valls et Hamon, avant le fameux week-end de Frangy en Bresse ? Au contraire, interruption de la ligne au moment fatidique (Libération révèle ainsi que Montebourg, à Frangy "avait laissé son portable dans le coffre de sa voiture", se rendant inaccessible aux recadrages en live du Premier ministre) ? Harcèlement journalistique des deux acteurs à Frangy, qui conduit finalement Montebourg, à court de synonymes, à se proposer d'envoyer "une cuvée du redressement" à Hollande, plaisanterie qui (Libé toujours) aurait été mal prise par le destinataire ? Le reportage du Petit journal, très en forme pour son émission de rentrée, donne une idée du rôle de "pousse-au-dérapage" que peut jouer un porte-micro hystérique en bombardant les politiques de "alors, vous pensez que Hollande et Valls vont bien prendre ce que vous dites, hein, hein, vous le pensez ?".

On peut toujours tenter de démêler les composantes d'un pétage de plombs général. Mais il est sans doute plus simple d'appeler cela tout simplement l'Histoire. L'Histoire, qui s'impose aux acteurs à leur insu. De l'histoire des pères de l'Eglise à l'antiquité romaine, l'altitude des références choisies par Montebourg (Cincinnatus, Saint Augustin revu par Wikipedia) suggèrent qu'il en a l'intuition. Reste à voir si le Cincinnatus de Frangy sera à la hauteur du rôle qui vient de lui être assigné.

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