Libé a misé sur le mauvais cheval (TAZ)
Brève

Libé a misé sur le mauvais cheval (TAZ)

"Sans la coopérative, la taz n’existerait plus. Libération a misé sur le mauvais cheval." Telle est la conclusion de Thomas Hartmann, un des fondateurs du quotidien allemand la Tageszeitung – la taz – qui revient, dans une interview donnée au site Ina Global, sur les débuts de son journal inspiré par le grand frère de l’époque, Libération.

Le Libé allemand va bien, merci : dans notre article consacré à la Tageszeitung – la taz pour les intimes – nous vous racontions le succès du modèle économique de ce quotidien allemand au départ inspiré par le grand frère Libération. A leur création, à la fin des années 70, les deux titres étaient sur la même ligne, comme le raconte Thomas Hartmann, un des fondateurs de la taz, interrogé par le site Ina Global : "[Libération] s’est construit lui aussi sans argent propre à l’aide de campagnes de soutien réussies, grâce à l’appel très médiatisé de Jean-Paul Sartre. Nous voulions faire la même chose."

Hartmann a par la suite effectué un stage chez ses confrères parisiens pour "observer comment un journal proche du peuple, antiautoritaire - même si Serge July avait une toute autre autorité - et démocratique se construisait. Libération était notre grand frère, un journal qui réussissait plutôt bien et qui était arrivé à se construire une légitimité."

Les deux journaux ont même collaboré : "Libération avait lancé un supplément mensuel, World Media, qui ressemblait un peu au Monde Diplomatique et qui était diffusé dans plusieurs pays par un journal local. En Allemagne, c’est la taz qui collaborait avec Libération. Mais le partenariat n’a duré que deux ans, jusqu’en 1992."

Pourquoi la fin de cette collaboration ? "La taz avait refusé de publier une publicité pour un équipementier militaire, Dassault, si je me souviens bien. La taz avait des règles déontologiques précises et ne publiait pas de publicités pro-guerre. Il y avait même des discussions en interne concernant des publicités pour des voitures. Bref, Libération a décidé de ne plus collaborer avec nous et a continué World Media avec la Süddeutsche Zeitung."

Un différend emblématique selon Hartmann : "la scène alternative était beaucoup plus importante en Allemagne et constituait le terreau dans lequel la taz a grandi. Je pense que Libération a toujours voulu être un journal élitiste. C’était un acteur de la presse parisienne qui voulait devenir meilleur que les autres. La taz s’est dès le début affichée comme un organe d’une contre-culture et comme un moyen de construire une société alternative en Allemagne. Cette histoire de la publicité est un très bon exemple : la taz n’est pas prête à publier une publicité uniquement pour des raisons financières."

A cette même époque, les deux titres font des choix économiques différents : Libération s’en est remis à des actionnaires pour financer le journal quand la taz a choisi de s’appuyer sur ses lecteurs et de créer une coopérative. Un choix pris à l’issue d’un vote au sein de la rédaction. Pourtant, au départ, Hartmann était en faveur du modèle Libé : "j'avais peur que les lecteurs n’apportent pas continuellement de l’argent". L’histoire lui donne tort. Récemment, ajoute-t-il, "nous avons organisé une discussion avec Libération. Deux journalistes sont venus expliquer les difficultés que rencontrait le journal. Et je dois vous avouer que cela semblait mal en point". Ce qui lui fait dire en conclusion que Libé a choisi le mauvais cheval.

Où en est Libération aujourd’hui ? Après la crise traversée cet hiver, le journal vient d’accueillir un nouvel actionnaire, Patrick Drahi, patron de Numericable. Ce dernier et l’actionnaire majoritaire actuel Bruno Ledoux doivent recapitaliser le titre à hauteur de 18 millions. Laurent Joffrin a repris les rênes du quotidien avec l’aide d’un co-directeur, Johan Hufnagel, co-fondateur de Slate.fr et ancien de Libé. Le projet de transformer la marque de presse en planète Libération est toujours d'actualité, et le site s’est par ailleurs enrichi d’une web-radio début juin. Mais les ventes continuent de chuter comme le précise Le Figaro. La diffusion est tombée sous les 100.000 exemplaires depuis janvier.

>> L'occasion de découvrir notre dossier sur Libé, épicentre de la crise de la presse

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