Libé, et l'Etat zombie
Brève

Libé, et l'Etat zombie

Pan sur le bec du matinaute. Je persiflais ici-même hier matin que pour être informé sur Libé
, il ne fallait surtout pas lire Libé. Eh bien voilà, dans le journal de ce matin, un beau compte-rendu du conseil de surveillance, qui me dément. Un beau récit du débarquement du directeur général par les actionnaires, sans fioriture, aussi bien enlevé que le premier reportage de l'insurrection, le jour de la Prise de la Manchette. Un seul regret : chers camarades de Libé, vous ne pouvez pas éternellement vous abriter derrière le travail de Mediapart sur les acrobaties luxembourgeoises de votre actionnaire Bruno Ledoux. A vous maintenant de prendre le relais. A vous d'enquêter sur ses sociétés, ses labyrinthes, ses entourloupes éventuelles. On ne prend pas le Maïdan pour y tenir des AG. Quand on a pris la Bastille, on la démonte.



Que craignez-vous ? De décourager d'autres caïmans des îles Vierges, d'autres candidats actionnaires, comme l'avouaient sur notre plateau Alice Géraud et Olivier Bertrand, la semaine dernière ? Sérieusement ? Mais vous devriez vous réjouir, de les terroriser et, au final, de les dissuader. Sérieusement, vous aimeriez voir rappliquer des clônes de Ledoux, avec leurs sociétés-écrans, et de belles idées de Libéland plein les cartons ? C'est d'une solution de ce genre, que vous attendez le salut ? Non. Alors écrivez. Et peut-être, par l'exemple, donnerez-vous aux collègues du Monde le courage d'écrire sur Niel et Pigasse. Et demain, qui sait, Lagardère ? Dassault ? Arnault ?


A moins que vous ne craigniez d'effaroucher l'Etat. Tiens, parlons-en. Je lis ici et là que Ledoux est allé tendre sa sébille au CIRI, c'est à dire à Bercy, et qu'il s'y serait montré si maladroit qu'il s'est fait jeter. Je ne sais pas si c'est vrai -il faut toujours se méfier de ce que dit la presse. Mais je ne vous entends pas vous prononcer sur cette démarche elle-même, sur l'idée même de devoir à l'Etat un sursis d'un mois ou deux.

Pourtant, on est au coeur du sujet. Vous vous replongez en ce moment dans vos origines, les années Sartre, et dans les déclarations enflammées de vos maos fondateurs. Mais à l'époque, pour eux, l'Etat, c'était l'ennemi. L'Etat, c'était les flics, l'armée, la banque. Il a fallu 81, et le ralliement de July à Mitterrand, aux investisseurs, et à la pub, pour que bascule lentement la focale, et que le journal entre dans une autre spirale, une autre logique, finalement mortifère, de laquelle les chers confrères du Sanibroyeur et de la belle demeure craignent pourtant aujourd'hui de vous voir sortir.

De Mitterrand en Hollande, l'Etat est resté l'Etat, même semi-dissous dans le Spectacle comme un cadavre dans l'acide. De ses restes, rien à attendre. Ayrault, Hollande, Filippetti, ne sont pas des divinités bienveillantes qui vont vous sauver au dernier moment, comme dans les Ecritures ou dans les films. Ce sont des zombies. Fuyez-les ! S'ils font mine de vous sauver, ce sera pour vous perdre, comme ils vous ont déjà perdus. Ils doivent vous craindre, et comment vous craindraient-ils, si vous tendez la sébille ? Fuyez-les ! C'est maintenant le moment, qui ne se représentera pas. Le journal vous appartient, ça ne durera pas.

Vous craindre, celà ne veut pas dire redouter le petit adjectif dans l'édito, qui va les chatouiller en lisant leur revue de presse, le matin au café. Vous craindre, celà veut dire trembler. Trembler de vos analyses, de vos révélations, de vos sarcasmes, de votre simple parole libérée. Soyez excessifs, soyez injustes, soyez partiaux, cognez comme des sourds, du moment que vous écrivez, et que vous faites pulser le journal. Enfoncez le clou de leurs reniements, de leurs esquives, de leurs ambiguités, de leurs ruses. L'immense armée de vos lecteurs perdus, de tous ceux qui restent à conquérir, retient son souffle.

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