Site aide Mali : transparence en solo
Brève

Site aide Mali : transparence en solo

Une transparence… en demi-teinte. Mercredi 18 septembre, le ministre chargé du développement Pascal Canfin présentait un site Internet consacré aux projets de développement au Mali dont le but est d'informer sur la destination de l’argent et sur son utilisation. C’est bien, répliquent trois ONG, mais peut mieux faire. Il existe en effet une norme internationale utilisée par une majorité de bailleurs qui soutiennent le Mali et que la France n’a toujours pas adoptée.

Un site tout simple, un site plein de bonne volonté mais un site franco-français : voici en résumé l’initiative sortie du chapeau du ministère des affaires étrangères mercredi dernier. Présenté par le ministre chargé du développement Pascal Canfin, le mot d'ordre est "transparence" comme il l’explique en page d’accueil du site : "cet espace a pour objectif de donner des informations concrètes sur les projets et réalisations de la politique française de développement au Mali. Ce site est une promesse, celle de la transparence en direction des Maliennes et des Maliens, mais également envers les Françaises et les Français qui regrettent trop souvent de ne pas savoir à quoi sert l’aide au développement. 280 millions d’euros, en deux ans, c’est le montant que la France s’est engagée à mettre au service du développement du Mali, lors de la conférence de Bruxelles en mai 2013."

Copie écran du site de 20 minutes picto

Un site simple composé d’une carte (pas encore interactive) et de fiches (loin d’être remplies) qui permettent en effet de découvrir des projets variés, comme cet appui aux éleveurs du cercle de Ménaka avec la reconstitution d’un cheptel décimé. Si vous souhaitez suivre un des projets, vous pouvez remplir un formulaire ou laisser un texto sur un numéro dédié. L’outil est sommaire, mais l’initiative louable. Et le ministre la loue dans une interview donnée à 20 minutes : "[ce site] aussi un symbole de la rénovation de la politique française, qui fait de la transparence une de ses valeurs-clés". On apprend néanmoins que le Mali n’est pas (encore) officiellement partenaire de cette opération. Peu importe, le ministre souhaite que "cela soit étendu à l’Union européenne, à la Banque mondiale, à l’ensemble des bailleurs pour qu’il y ait une transparence sur l’ensemble des 3,2 milliards levés en mai à la conférence de Bruxelles par les pays et institutions internationales". Un souhait qui fait tiquer trois ONG.

En effet, dans un communiqué, ONE France, Oxfam France et Publish What You Fund rappellent que les deux tiers des bailleurs qui soutiennent le Mali ont déjà publié leurs données selon une norme internationale appelé IITA (Initiative internationale pour la transparence de l’aide, IATI en anglais). Parmi ces bailleurs déjà conquis par la transparence : le Royaume-Uni, la Suède mais aussi la Commission européenne et la Banque mondiale que souhaite enrôler le ministre. D’où les réactions un poil courroucées de ces trois ONG, dont le directeur de ONE France : "La France a certes avancé par rapport à ses propres pratiques mais elle a encore un train de retard sur la scène internationale". Pour le directeur de Publish What You Fund, "la non-application de ce standard pose aussi la question de l’efficacité de ce site internet. En présentant des données statiques, qui ne sont pas en format Open Data, les citoyens et l’Etat maliens peuvent consulter ces données mais ne peuvent pas les utiliser".

La France fait cavalier seul ? Christian Reboul, responsable des questions d’aide au développementchez Oxfam France, le confirme à @si : "c’est d’autant plus surprenant que François Hollande s’est engagé, à l’occasion du G8 du 18 juin dernier, à mettre en œuvre la norme commune sur la transparence de l’aide d’ici 2015. Une volonté confirmée en juillet puisque le comité interministériel de la coopération internationale et du développement a déclaré vouloir s’efforcer – oui, s’efforcer – à adopter la norme pour l’aide octroyées à 16 pays dits prioritaires, et ce d’ici 2014."

Comment expliquer cette initiative franco-française qui sera de fait obsolète le jour où la norme internationale sera enfin appliquée ? Reboul avance deux hypothèses : l’impératif de sortir un site – et donc une initiative – avant la visite présidentielle au Mali prévue hier et la réticence historique des ministères concernés pour la divulgation des données. Car l’aide internationale est sous tutelle du ministère de l’économie et des finances, du ministère des affaires étrangères et de l’Agence française de développement, soit autant d’administrations à convaincre. Mais Christian Reboul est confiant : depuis hier, l’ONG fait la promotion auprès des administrations concernées d’un outil Internet clé en main, libre de droit, qui a coûté cinq euros d’achat de carte géographique. "On y a même intégré des données françaises sur le Mali. Nous avons également fait comprendre que le Mali pouvait être une première étape, rien n’oblige à livrer les données de toutes les aides d’un coup. Cette norme peut être mise en œuvre de manière graduelle".

Canfin, quant à lui, maintient la pertinence de son outil. Joint par @si, le ministre assure vouloir "avancer vite et entraîner le nouveau gouvernement malien, qui a fait de la lutte contre la corruption une priorité, dans cette nouvelle approche. C'est une initiative qui a vocation à inspirer l'ensemble des bailleurs au Mali". Il confirme donc la première hypothèse : être dans le bon timing politique. Lorsqu'on lui rétorque qu'une majorité de bailleurs ont pourtant déjà livré leurs données, il répond que l'outil français met davantage l'accent sur le résultat que la norme internationale et permet en plus un contrôle citoyen (le fameux formulaire et numéro dédié). Cela dit, il confirme l'engagement pris d'appliquer le standard en 2014 dans 16 pays dont le Mali.

>> Les données, un enjeu à retrouver dans ce dossier

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