Tapie : Mediapart met en ligne un enregistrement
Brève

Tapie : Mediapart met en ligne un enregistrement

Encore une histoire de téléphone mal raccroché ? Oui, et c’est le point de départ d’une nouvelle révélation de Mediapart sur l’affaire Tapie. Dans un article mis en ligne aujourd’hui (accès payant), le journaliste Laurent Mauduit, très investi sur les affaires Tapie, publie l’enregistrement d’une conversation téléphonique menée par l’homme d’affaires avec un interlocuteur non identifié dans lequel il évoque ses tractations pour régler a minima le fisc. On y entend les noms de Claude Guéant, alors secrétaire général de l’Elysée, Eric Woerth, ministre du budget et son directeur de cabinet, Jean-Luc Tavernier.
"Mediapart devrait sortir une appli pour smartphone permettant de s'assurer que son téléphone est bien raccroché" : cette boutade, relevée sur le réseau social twitter, moque gentiment le nouveau scoop de Mediapart qui diffuse l’enregistrement d’une conversation téléphonique captée à la suite d’une maladresse de Tapie – soit dans les mêmes conditions que l’enregistrement de la présumée conversation de Jérôme Cahuzac évoquant un compte en Suisse publié là encore par Mediapart.

Que nous apprend cet enregistrement que Mediapart a remis à la justice après une demande de réquisition judiciaire ? Laurent Mauduit, auteur de l'article, est prudent. On y entend des flopées de chiffres qui, de l'aveu de Mauduit, sont incompréhensibles car ils renvoient "à un montage fiscal que l’on ne connaît pas". De même, si la voix de Tapie est reconnaissable, son interlocuteur ne peut être identifié. Une chose est sûre : nous sommes en mai 2009, soit dix mois après la décision du tribunal arbitral qui condamne l’Etat à verser à Tapie 285 millions d'euros d'indemnités (400 millions avec les intérêts) dont 45 millions pour préjudice moral, dans le cadre du solde de l’affaire Adidas (lire à ce sujet un très bon résumé ici). Ces 45 millions, qui avaient fait grand bruit à l’époque, n’étaient pas soumis à l’impôt. Les autres millions, si. Et c’est là que commence la deuxième partie du feuilleton : Tapie est soupçonné d’avoir négocié la somme dûe au fisc, avec la complicité des plus hautes sphères de l’Etat comme on dit.

Si le nom de Sarkozy revient constamment (selon une enquête de l’Express citée par Mauduit, l’ancien président aurait rencontré Tapie dix-huit fois), rien ne prouve aujourd’hui l'intervention de l'ex-président pour sauver l'ami qui avait appelé à voter pour lui. En revanche, l’enregistrement diffusé par Mauduit tendrait à prouver que Tapie était en cheville avec Claude Guéant, alors secrétaire général de l’Elysée, Eric Woerth, ministre du Budget et son directeur de cabinet, Jean-Luc Tavernier. But de l’opération : négocier le montant dû au fisc suite au pactole décroché après la décision (elle aussi très contestée) du tribunal arbitral. A l’époque de la condamnation, en juillet 2008, l’avocat de Bernard Tapie assurait dans l’Express que son client ne toucherait qu’une toute petite partie de la somme versée par l’Etat condamné : "une fois payées les créances publiques et une fois provisionnées d'éventuelles impositions, et tous les frais, il restera […une somme qui] d’après ses indications, devrait avoisiner les 30 millions d'euros". Christine Lagarde, ministre de l’Economie, interrogée deux mois plus tard sur le solde net qui devrait rester à Tapie, reprendra ce chiffre de 30 millions.

30 millions seulement ? On est loin du compte. Comme le raconte Mauduit, "on sait désormais que la somme perçue, en net, par Bernard Tapie n’a strictement rien à voir avec cela. Très vite, dans le courant de l’année 2008, de source parlementaire, des chiffres de plus en plus élevés ont circulé, faisant état d’un gain net de 120 à 150 millions d’euros pour Bernard Tapie, une fois réglés tous ses arriérés d’impôts. […] D’après de nombreux recoupements, la vérité se situerait entre 240 et ces 304 millions d’euros, soit huit à dix fois plus que ce qu’avaient annoncé l’avocat de Bernard Tapie et la ministre des finances."

Il y a donc bien eu tractation. Mais quelles sortes de tractations ? Selon le document sonore, on devine que Tapie a fait une proposition à Bercy qui ne semble pas convenir entièrement à Woerth et Tavernier. Ce qui fait dire à Tapie dans un vocable fleuri qui ferait rougir sa marionnette : "écoutez, s’ils ont pas les couilles de faire un tiers, qu’ils laissent tomber. C’est pas la peine de se faire chier, on va pas faire des calculs à la con, simplement parce que…" On comprend également que l’homme d’affaires a fait appel à Guéant avec qui il a tenu réunion pour évoquer ce différend fiscal (alors que Guéant, encore récemment au micro de RTL, s’est gardé de tout contact avec Tapie).

picto Extrait fleuri

Quel est le rôle joué par Guéant ? Là encore, gros point d’interrogation. Seule certitude : le nombre de politiques qui ne savent pas raccrocher un téléphone s’accroit de jour en jour.

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