Censure 75% : questions de la presse
Brève

Censure 75% : questions de la presse

Comment les ministères des finances et du budget ont-ils pu se faire retoquer par le Conseil constitutionnel sur la fameuse taxe à 75% ? Plusieurs médias s'interrogent, dont Mediapart qui enquête sur cette erreur inexplicable et soulève, au passage, la question du rôle du Conseil.
Samedi 29 décembre, le Conseil constitutionnel, saisi par plus de cent vingt députés et sénateurs, a rendu son arrêt sur la conformité à la Constitution de la loi de finances 2013. Parmi les censures, la plus commentée car la plus emblématique concerne la taxe de 75% sur les hauts revenus. Comme le souligne le site de l’Express, la presse n’est pas tendre avec Hollande : revers cinglant pour Les Echos, nouveau coup dur pour Le Figaro (qui biche), une faute pour Libé.

Une faute ? Sylvain Bourmeau (Libé) s’étonne de voir que le Conseil n’a pas censuré la taxe pour son caractère confiscatoire (comme le réclamait l’opposition) mais sur le fait qu’elle soit individuelle, alors que l’impôt est établi sur la base du foyer. L’éditorialiste considère comme un mystère "qu’une telle erreur puisse être produite par la machine politico-administrative". Point de mystère pour l’économiste Jacques Sapir, qui estime, sur son blog, que "le scandaleux en l’occurrence n’est pas la censure du Conseil constitutionnel mais la chaîne d’incompétences qui a permis à ce texte d’arriver en l’état sur la table du Conseil constitutionnel. Elle en dit long sur le professionnalisme des membres des cabinets ministériels, plus empressés à satisfaire leurs maîtres politiques, et à construire leurs carrières, qu’à concourir au bien public et à servir l’État."

Un procès en incompétence qui agace le député Christian Eckert, rapporteur de la Commission des finances et cuisiné l'an dernier par l’éconaute. Sur son blog, il précise qu’il avait préparé un amendement afin d’éviter ce problème lié aux foyers fiscaux mais qu’il avait renoncé à le déposer, arguant "qu’en général la majorité ne vote qu'exceptionnellement contre l'avis du Gouvernement". En effet, Jérôme Cahuzac, ministre du budget, n’a rien voulu savoir des objections formulées par Eckert, comme le raconte le député à Martine Orange de Mediapart : "Quand j’ai évoqué ce sujet avec les membres du cabinet du Budget, avec lesquels nous sommes en contact régulier, ils ont balayé mes objections. Ils ne prennent jamais rien en compte, de toute façon. Ils m’ont dit que le dossier avait été arbitré, que cela ne posait pas de problème. La CSG est individuelle, la prime pour l’emploi aussi. La taxe sur les hauts revenus pouvait donc l’être. Car il ne s’agissait pas de créer une tranche d’impôt supplémentaire, mais d’instaurer une taxe dissuasive sur les salaires exorbitants." Très en verve, Christian Eckert assure le service après-vente en cette fin de vacances, seul sur un terrain casse-gueule. D'ailleurs, dans une interview du Point, le député en vient à considérer que "cette taxe, c'est une amende plus qu'un impôt. Nous disons : Si vous dépassez la ligne jaune, vous payez". Des délinquants, les riches ? Sûr que la droite ne tardera pas à dénoncer une sortie de route.

Une taxe dissuasive non soumise aux règles de l'égalité devant l'impôt, est-ce un argument recevable ? Oui, estime le député européen socialiste Liem Hoang-Ngoc, invité à plusieurs reprises sur notre plateau et joint par @si : "À partir du moment où existe un impôt individuel comme la CSG, le Conseil n’a pas à censurer la taxe à 75%." Cela dit, rappelle le député, la gauche au pouvoir s’était déjà fait retoquer en 1999 quand elle proposait de rendre la CSG progressive (en l’occurrence, la baisser pour les plus faibles revenus; et on peut s’amuser à lire le compte rendu de L’Express à l’époque). La seule et unique solution à ses yeux reste la fusion de l’impôt sur le revenu et de la CSG, autrement dit la réforme Piketty.

Le Conseil a-t-il rendu un arrêt partisan ? Liem Hoang-Ngoc rappelle qu’un seul socialiste est représenté au sein de l’institution. Même s’il précise que lors de la censure de 99, plusieurs membres de gauche siégeaient au Conseil, parmi lesquels Pierre Joxe et Roland Dumas, alors président. Sur cette question de la responsabilité du Conseil, Martine Orange lève un autre lièvre avec la censure de l’imposition sur les stock-options et celle sur les retraites chapeaux. Comme par hasard, ces deux taxes franchissaient le seuil des 70% et comme par hasard, le Conseil les a considérées comme "une charge excessive" et "contraire à l’égalité devant les charges publiques". La journaliste se demande alors : "À lire entre les lignes, le Conseil constitutionnel semble ainsi établir que toute imposition au-delà de 65% ou 70% est considérée comme confiscatoire. Au nom de quels critères ?" Bonne question.

Maj 16h42 : ajout de l'interview de Christian Eckert dans le Point.

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