Brève

Piketty : Hollande passe à l'action (Libération)

Anne-Sophie Jacques

29 février 2012 Maj: 29 février 2012

A gauche toute ? Avec les riches taxés à 75%, François Hollande a non seulement créé la surprise auprès de son staff en charge du budget – regarder Cahuzac à Mots Croisés et puis rire – mais il est enfin passé à l’action, juge l’économiste Thomas Piketty dans une interview à Libération.

Lundi soir, dans l’émission Parole de candidats sur TF1, François Hollande annonce vouloir taxer à 75% les revenus au-dessus d'un million d'euros par an soit environ 100 000 euros par mois. Messieurs et mesdames les très riches, pas de panique: la taxe s’applique à partir de cette somme, tout ce qu’il y a en dessous étant soumis au barème en vigueur comme l’explique parfaitement bien cet article de Libération.

Certes ce n’est pas aussi radical que la proposition de Mélenchon qui taxe à 100% tous les revenus au-dessus de 30 000 euros mensuels mais tout de même. Thomas Piketty, économiste et coauteur de La révolution fiscale, applaudit : "Cette mesure montre qu'on sort des discours sur la moralisation des rémunérations indécentes des patrons du CAC 40, façon Sarkozy, et qu'on passe un peu à l'action. Seule l'arme fiscale peut calmer le jeu et dire qu'on peut être un chef d'entreprise compétent et gagner moins d'un million d'euro par an. On sort de l'idéologie du toujours plus : c'est une étape importante."

Piketty raille les attaques venues de la droite et du centre : "Les conservateurs sont en retard d'une guerre : ils ont oublié que la plus grande démocratie capitaliste du monde, les Etats-Unis, de 1932 à 1980, avait un taux supérieur de l'IR qui dépassait 80% et a dépassé 91% des années 40 aux années 60. A l'époque, la réforme de Roosevelt s'appliquait aux revenus supérieurs à 200 000 dollars, des revenus alors indécents, l'équivalent d'un ou 2 millions de dollars aujourd'hui, à l'image de ce que vise la proposition de Hollande, qui concerne à 80-90% des hauts cadres dirigeants, comme en attestent nos données recueillies dans 25 pays. Cela n'a pas tué le dynamisme américain, au contraire."

L’économiste estime néanmoins que "cela reste insuffisant et imprécis." Selon lui, "augmenter les taux sur un système qui fonctionne mal avec des assiettes percées n'est pas une bonne solution. (…) Il faut donc refonder l'impôt sur le revenu sur une assiette nouvelle plus large: celle de la CSG. (…) Le taux supérieur d'imposition peut-être plus faible que 75% -nous proposons 60%- pourvu que l'assiette soit plus large. Si donc la mesure proposée lundi par Hollande va dans la bonne direction, il manque encore un peu d'audace pour une réelle refondation."

Enfin, Piketty regrette que ne soit pas engagée plus clairement la fusion impôt sur le revenu/CSG pour laquelle il milite depuis longtemps. Et tacle au passage le candidat du Front de gauche : "Jean-Luc Mélenchon est très réticent à la fusion IR-CSG pour de mauvaises raisons. Il confond fusion du prélèvement et fusion de l'affectation des recettes: une telle réforme ne privera pas la sécurité sociale des recettes que lui procure la CSG."

Saviez-vous que l’éconaute a poursuivi Piketty jusque dans un atelier sur la fiscalité tenu à l’Assemblée nationale par un soir d’hiver glacial ? Si vous avez manqué l’épisode, cliquez ici.