Les héritiers Renault réclament des indemnités à l'Etat
Brève

Les héritiers Renault réclament des indemnités à l'Etat

"Pas motivés par l'intérêt financier" (Le Monde)

"Ils assurent que leur démarche n'est motivée par aucun intérêt financier" écrivait Le Monde magazine en janvier 2011 à propos des petits-enfants de Louis Renault qui cherchent à réhabiliter celui qui a toujours été présenté comme un collaborateur pendant la guerre. Pourtant, cinq mois plus tard, qui réclame aujourd'hui des indemnités à l’Etat ? Les mêmes héritiers Renault !

C’est Le Monde qui raconte dans son édition du 13 mai que lundi dernier, "les huit petits-enfants de l'industriel Louis Renault ont déposé, devant le tribunal de grande instance de Paris, une assignation destinée à obtenir l'indemnisation du préjudice matériel et moral causé par la nationalisation-sanction prononcée à la Libération".

Comment expliquer ce rebondissement judiciaire ? C'est "l'une des conséquences inattendues du nouveau droit ouvert par l'instauration, en mars 2010, de la question prioritaire de constitutionnalité (QPC), qui permet de contester devant le juge constitutionnel une disposition législative, explique Le Monde. Dans leur assignation, les huit enfants du fils unique de Louis Renault, Jean-Louis, mort en 1982, font valoir que l'ordonnance du 16 janvier 1945 [qui nationalise Renault] porte atteinte à plusieurs principes constitutionnels, dont le droit de propriété, garanti par la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, la personnalité des peines, la présomption d'innocence et les droits de la défense".

Louis Renault a été arrêté en 1944 pour fait de collaboration. S'il n'a jamais été jugé car il est mort en détention, l'entreprise Renault a été nationalisée pour sanctionner cette collaboration. Au moment de la nationalisation, "le capital de la société est alors évalué à 240 millions de francs, détenus à 96,80 % par Louis Renault, 0,73 % par sa famille, 0,60 % par les administrateurs et 1,87 % par les "employés supérieurs", précise Le Monde. En 1959, la femme et le fils de Louis Renault remettent en cause la nationalisation et la confiscation de l'entreprise en déposant un recours auprès du tribunal administratif, puis devant le Conseil d'Etat. Mais ce dernier est rejeté car l'ordonnance de 1945 qui a nationalisé l'entreprise a statut législatif. Aujourd'hui, la procédure de QPC permet de faire sauter ce verrou. Forts d'une première victoire judiciaire en juillet dernier, qui leur avait permis de faire retirer une photo illustrant la collaboration de Louis Renault dans une exposition à Oradour-sur-Glane, les héritiers attaquent désormais l'Etat. Et réclament des indemnités.

Combien peuvent-ils espérer gagner ? Dans une dépêche AFP datée du 8 mars 2011 (reproduite sur le site louisrenault.com), Sylvain Roger, un ancien responsable CGT chez Renault, s'était aventuré à avancer un chiffre : "S'ils arrivent à leur fins, cela peut coûter au contribuable français plusieurs centaines de millions d'euros, et cela peut en encourager bien d'autres", avait-il déclaré. Contacté par @si, l'un des auteurs de l'article du Monde, Thomas Wieder, explique que c'est compliqué d'évaluer les sommes en jeu : "Il y a plusieurs façons de calculer la valeur des 96% détenus par Renault en 1945. Il y a aussi la question des actifs qui leur auraient rapporté au cours des 60 dernières années. Tout ça est très hypothétique".

Quelle que soit la somme, la demande d'indemnisation peut surprendre: les héritiers Renault assuraient que leur démarche n'était motivée "par aucun intérêt financier". Etonnamment, cette précision figure de nouveau dans l'article du Monde de ce jeudi : "Agés de 32 à 66 ans, les huit héritiers assurent pourtant que leur motivation n'est pas financière. Par cette procédure, ils cherchent d'abord à rouvrir le débat sur le rôle effectif joué par leur grand-père pendant la guerre".

Thomas Wieder maintient que ces indemnités semblent être une motivation secondaire malgré les sommes en jeu : "Depuis plusieurs années, ils mènent un combat mémoriel, qui a pris une dimension judiciaire que depuis quelques mois, nous explique-t-il. Selon le journaliste du Monde, ce serait "une erreur d'interprétation de mettre ce motif là au centre de ce qu'ils ont fait depuis des années". Disons alors que ce serait la cerise sur le gâteau. Une belle cerise.

Si vous avez manqué le début de cette opération réhabilitation, lisez notre enquête "Louis Renault : réhabilitation médiatique d'un collabo ? "

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