Aussitôt, les mauvais esprits se sont mis en branle : cette annulation n'aurait-elle pas un rapport avec le fait que Nicolas Demorand, nouveau directeur de Libé, n'avait pas brillé par son soutien lorsque Didier Porte s'était fait virer de France Inter au printemps dernier ? C'est ce que Porte avait rappelé dans le petit texte qui devait être publié pour accompagner le débat (que nous publions ci-dessous) : il y évoquait son licenciement ""encouragé" plus ou moins délibérément sur le plateau du Grand Journal par Nicolas Demorand, futur DG de Libé, Bernard Guetta, futur candidat à la direction du Monde, et Thomas Legrand, éditorialiste à Inter et bientôt aux Inrocks, tous plus horrifiés les uns que les autres par mon terrible dérapage verbal." Ce texte a été soumis au journal il y a plusieurs jours, et c'est seulement à l'insistance de notre chroniqueur, sans nouvelles de l'organisation, qu'il lui a été signifié l'annulation. Or, Porte avait été invité avant que Demorand n'arrive à la tête du journal. Le nouveau directeur n'aurait-il pas apprécié de voir son ancien collègue de matinale à Rennes ?

"Demorand n'a rien à voir là-dedans", assure le service Développement du quotidien, contacté par @si. "Chaque année, dans les 70 débats que nous organisons, il y a une petite marge qui s'annule, en raison de participants qui se décommandent, ou d'un nombre de salles trop réduit par rapport à nos prévisions". Si l'on comprend bien, aucun débat n'ayant été annulé pour cause de participants décommandés à la dernière minute, il a fallu trancher dans le vif. Et comment sont choisis les débats qui seront supprimés ? "Nous décidons en fonction du nombre de places réservées pour chaque débat, mais aussi du thème général retenu pour le Forum ; il faut essayer d'harmoniser les choses." Le thème général de cette année est le respect.

Libé indique qu'un débat avec Rony Brauman a aussi été supprimé, ce que l'intéressé nous a confirmé. Cependant, l'annulation de cette discussion autour du droit d'ingérence a été signifiée il y a une quinzaine de jours. La présence de Porte et de Charb, elle, était encore prévue il y a peu de temps. Leurs noms aparaissent encore sur le site du Forum, et sur la liste des participants diffusés dans Libé aujourd'hui :

Voici le texte qu'avait rédigé Didier Porte pour annoncer le débat :

On me demande ma réponse à la question: LE "POLITIQUEMENT CORRECT", UNE NOUVELLE CENSURE? La voici.

Au mois de mai 2010, dans ma chronique sur France Inter, j’incite un Dominique de Villepin que je présume affligé du syndrome de La Tourette, à éructer "J’encule Sarkozy!" pour se défouler avant de prendre l’antenne. Ce n’est pas mon sketch le plus réussi, mais il n’est pas indigne pour autant. Quelques jours plus tard, Maurice Szafran, journaliste et patron de Marianne, se déclare dans son édito "révulsé" par mes propos, lesquels auraient "dépassé la ligne", et je crois comprendre qu’il me reproche d’avoir sali la fonction présidentielle. De fait, cette chronique servira de prétexte à mon licenciement d’Inter, quelques semaines après sa diffusion. Licenciement "préparé" par le directeur adjoint de la direction d’Inter, Renaud Dely, ancien de Marianne et de Libé, et "encouragé" plus ou moins délibérément sur le plateau du Grand Journal par Nicolas Demorand, futur DG de Libé, Bernard Guetta, futur candidat à la direction du Monde, et Thomas Legrand, éditorialiste à Inter et bientôt aux Inrocks, tous plus horrifiés les uns que les autres par mon terrible dérapage verbal. Et je vous épargne les réactions du Point et du Figaro.

Au mois de mars 2011, Maurice Szafran co-signe un livre intitulé Off dans lequel il raconte les coulisses de sa relation avec Nicolas Sarkozy, relation manifestement empreinte d'une grande proximité pendant plusieurs années. Grillant allègrement au passage le "off" auquel il s’était engagé à l’époque de cette relation, M. Szafran nous décrit un Sarkozy ministre d’état/candidat recevant ses "potes" journalistes affalé dans un transat, torse nu, en Ray-ban et la "ceinture du jean entrouverte". C’est tout juste s’il ne se gratte pas les couilles! M. Szafran n’est pas non plus économe de ses citations d’amabilités sarkozystes du type: "Ils font les gentils (les journalistes) mais ce sont de beaux enculés, oui!", ou encore: "Des enculés, je te dis, même ma vie privée, ils l’ont piétinée!". La "fonction présidentielle" a dû apprécier! A ce jour, je n’ai lu ou entendu aucun des confrères de Maurice Szafran se déclarer "révulsé" par son livre. Finalement, je vais peut-être reformuler la question de départ: LE "JOURNALISTIQUEMENT CORRECT", UNE NOUVELLE CENSURE? La réponse est oui.

Pas de débat Porte-Charb à Rennes ? Pas grave, il avait déjà eu lieu, François Morel en prime, sur le plateau de Ligne j@une...