Afghanistan : effet pervers des "embedded" (Independent)
"Le journalisme embedded s'est forgé une mauvaise réputation en Irak et en Afghanistan. C'est l'image du correspondant soi-disant indépendant nourri, par ses mentors militaires, à la petite cuillère, gavé d'informations absurdement optimistes sur le déroulement de la guerre. Pour beaucoup, le journaliste embarqué est un triste retour au style de la première guerre mondiale, quand une boucherie effroyable dans les tranchées a été présentée comme une série d'avancées judicieusement planifiées par des généraux britanniques."
"En fin 2001, dans les jours ayant suivi la défaite des talibans, j'étais capable de conduire de Kaboul à Kandahar sans entendre un coup de feu.L'année dernière, je ne pouvais plus aller sans risque au-delà du dernier poste de police au sud de la capitale. (...) Le danger de «l'incrustation», c'est qu'elle met les journalistes au mauvais endroit au mauvais moment. En novembre 2004, les Marines américains ont pris d'assaut la ville de Falloujah, à l'ouest de Bagdad,(...) accompagnés par presque tous les correspondants de la presse étrangère présents à Bagdad (...) Leurs récits et des images de la bataille ont été convaincants et le résultat fut l'annonce d'une victoire incontestable pour les États-Unis."
"Mais la réussite américaine étaient trompeuse parce que les insurgés avaient utilisé la concentration des forces américaines autour de Falloujah pour attaquer une ville du nord de l'Irak, nettement plus importante, Mossoul. L'armée et la police irakiennes ont fui, 30 postes de police ont été occupés, et 40 millions de dollars-valeur d'armes ont été saisies par les insurgés. Mossoul est la troisième plus grande ville d'Irak, ce fut un important revers pour les forces américaines, mais on n'en a pratiquement pas parlé: pas de troupes américaines là-bas avec des journalistes embarqués."
"Une vision déformée de la guerre" titre la double page du quotidien britannique The Independent du 23 novembre 2010
"Il y a un inconvénient plus subtil de «l'incrustation»: elle conduit les journalistes à voir les conflits irakien et afghan essentiellement en termes militaires." ajoute Cockburn qui donne un exemple : "«La réalité de la guerre en Afghanistan - dit un diplomate - c'est ce que le journalisme embarqué ne révèle jamais : 60 pour cent des soldats du gouvernement afghan envoyés à Kandahar, dans la province du Helmand désertent dès qu'ils peuvent. Ce sont pour la plupart des Tadjiks terrifiés d'être envoyés dans le sud pachtoun. Ils sont pris dans les camps de formation et embarqués dans des autobus dont les portes sont verrouillées avant qu'on leur annonce leur destination. Mais ce sont ces mêmes soldats terrifiés, qui souvent ne savent même pas parler la langue des populations locales, qui sont au cœur du plan de l'Otan pour la victoire en Afghanistan.»"
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