Exxon continue de financer les climatosceptiques (Times)
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Exxon continue de financer les climatosceptiques (Times)

Le Times du 19 juillet dévoile qu'Exxon a continué à financer des organisations climato-sceptiques. Or, dès 2007, le leader des compagnies pétrolières avait déclaré qu'il stoppait ce lobbying, dont on retrouve les premières traces en 1989 et qui a pris des proportions non négligeables : en 2006, The Independant avait estimé que le groupe avait dépensé plus de 19 millions de dollars. Il n'est pas facile de casser une tradition...

Ce financement a pris plusieurs formes: de nombreuses organisations ont été financées, voire créées par Exxon Mobil. Ainsi, dans un article de 2006, le magazine Mother Jones révèle qu'Exxon a fait partie des membres fondateurs de l'un des premiers groupes de pression climato-sceptiques, "Global Climate Coalition" (dont la fondation remonte à 1989), en réaction à la présentation du premier plan de limitation des gaz à effets de serre par l'administration Bush. En 2007, la "Union of concerned scientists" (Syndicat des chercheurs responsables, en français), a listé 43 organisations bénéficiaires de 16 millions de dollars d'aides entre 1998 et 2007 : toutes soutenaient les thèses climato-sceptiques.

Parmi les organisations subventionnées, on retrouve notamment le think tank ultralibéral "Competitive Enterprise Institute" (CEI), financé à hauteur de 2 millions de dollars entre 1998 et 2005. Les campagnes de communication de ce lobby sont spectaculaires - et sûrement très coûteuses. Lors de la sortie du film écologiste Une vérité qui dérange en 2006 (la voix-off était notamment assurée par l'ancien Vice-Président Al Gore), ce groupe avait produit des publicités longues d'une minute. Le commentaire était une ode au dioxyde de carbone.


Voici ce qu'on peut y entendre : "Il y a quelque chose que vous ne voyez pas dans ce film. C'est vital. Vous l'expirez, puis il est inspiré. Cela provient des animaux, des océans, de la Terre et des carburants que nous y trouvons. C'est du dioxyde de carbone. Le pétrole, à l'origine du CO2, nous a libéré du monde du travail manuel et rétrograde." La musique douce disparaît ensuite, pour laisser place à une ambiance bien plus angoissante : "Maintenant, des reponsables politiques veulent classer le dioxyde de carbone parmi les éléments polluants. Imaginez qu'ils réussissent. Que deviendraient nos vies alors ? Dioxyde de carbone : ils le nomment «pollution», nous l'appelons «vie»."

picto Le commentaire est édifiant

Exxon s'adressait aussi directement aux chercheurs. Ainsi, le Guardian révèle en 2007 qu'un lobby financé par Exxon (à hauteur d'1,6 million de dollars), "American Enterprise Institute" (AEI), offrait 10 000 dollars à des scientifiques, des économistes et des analystes politiques prêts à écrire des articles mettant en doute la thèse du réchauffement climatique.


Enfin, Exxon est le premier partenaire financier d'un programme de recherche de l'Université de Stanford, intitulé "Projet «Climat et énergie dans le monde»" ("Global Climate And Energy Project"), dont l'objet est de "développer des technologies dont la consommation de gaz à effet de serre est plus faible". D'après l'Université, Exxon prévoit d'investir 100 millions de dollars dans ce programme, soit plus de 4 fois la somme déjà investie pour financer les climatosceptiques.

picto Exxon est le premier sponsor d'un programme à la tonalité écolo...


Ce lobbying a suscité de nombreuses oppositions. Pour contrer ce mouvement, Greenpeace mène une contre-offensive en créant le site ExxonSecrets. L'objet de celui-ci est de révéler les activités d'Exxon. Greenpeace évalue à 22 millions de dollars le total du financement des climato-sceptiques. Ils se sont distingués par la présentation synthétique (sous forme de "map") des réseaux qui entourent les lobbies financés par Exxon.

Un exemple de "map" du site ExxonSecrets picto

Par la suite, Exxon a dû essuyer des critiques plus institutionnelles : en 2006, la Royal Society (l'Académie des sciences britannique) a officiellement demandé à la compagnie pétrolière de cesser ses activités de lobbying. Puis c'est en mai 2008 qu'un groupe d'actionnaires a indiqué son mécontentement. Ils ont alors déposé une résolution qui dénonce l'attitude d'Exxon. Et ils ont cité en contre-exemple le britannique BP, qui venait de lancer une nouvelle campagne de publicité : la marque était alors présentée comme attentive aux problématiques écologiques - ce que l'actuelle marée noire en Louisiane et les censures imposées aux journalistes ne manquent pas de contredire...

Avec la montée en puissance de ces polémiques, Exxon déclare dès 2007 vouloir cesser de financer ces organisations climato-sceptiques. Ainsi, Mark Boudreaux, porte-parole de la major, a indiqué à la chaîne américaine MSNBC avoir stoppé dès 2006 le subventionnement du think-tank CEI. Mais c'est à la fin du mois de mai 2008, suite à la fronde des actionnaires, que le leader mondial de l'industrie pétrolière prononce la fin de ses financements. Il a "admis que son soutien aux groupes de pression qui doutent de la véracité du réchauffement climatique a pu entraver les efforts entrepris pour prévenir et combattre le réchauffement climatique".

Mais ces déclarations ne se sont pas traduites en faits : le Times (accès payant) révèle qu'Exxon a continué à financer de telles organisations, à hauteur d'un million de livres (soit près d'1 200 000 euros) en 2009. D'après l'article, le plus gros de cette somme a été versé à des organisations qui ont lutté contre un accord au sommet de Copenhague, en décembre dernier. Selon Bob Ward, géologue, actuellement professeur à la London School of Economics, il s'agit de "d'une pure campagne de blanchiment écologique" ("greenwashing" en anglais). Il affirme donc qu'Exxon se donnait une image respectueuse de l'environnement (via des campagnes marketing et de communication) sans changer fondamentalement de politique.

La page d'accueil du site du Times ce lundi picto

Mais ce "greenwashing" n'est pas neuf : déjà, en 1989, après que le pétrolier Exxon-Valdès a sombré au large des côtes de l'Alaska, le PDG d'alors, Laurence G. Rawl, avait offert une place d'administrateur à un écologiste, tout en participant à la fondation du lobby climato-sceptique "Global Climate Coalition".

(Attention, les liens renvoient vers des articles en anglais)

(Par Valentin Fluteau)

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